Nous sommes partis à la rencontre d’Assane Dieng, producteur agricole responsable de l’alphabétisation au sein de l’Union des Groupements Paysans de Méckhé. Également animateur de sept villages membres du groupement, il a été témoin et acteur des effets positifs tant individuels que collectifs de l’alphabétisation pour les paysans de la région.
Une alphabétisation fonctionnelle
L’alphabétisation telle qu’elle est proposée aux paysans des groupements repose sur un principe simple : elle doit être fonctionnelle et s’appuyer sur des éléments du quotidien des apprenants. Assane témoigne en ce sens : « La première année, ils apprennent à lire et à écrire, puis la deuxième année on étudie des textes et on pose des problèmes mathématiques avec des situations très concrètes, ce qui leur permet de les appliquer directement dans leur vie de tous les jours. » Les personnes formées participent activement à l’élaboration des modules de formation, et les dates et horaires sont définis avec le facilitateur en alphabétisation et les populations en fonction de leurs disponibilités.
« Il y a beaucoup d’effets positifs de l’alphabétisation en dehors de la lecture, ils savent aussi calculer, noter, téléphoner… La circulation de l’information est vraiment renforcée par cette formation » poursuit Assane. En effet, la maîtrise des mathématiques est essentielle à la tenue des comptes du foyer et de la communauté au sein du village par exemple. Dans les exercices proposés dans ces formations, les paysans et paysannes apprennent à « noter les dépenses, les rentrées d’argent, et à la fin de l’activité ils peuvent savoir si cela a été positif ou négatif ».
Assane Dieng, responsable en alphabétisation au sein de l’UGPM
Renforcer le vivre-ensemble et l’autonomie des populations paysannes
L’importance est également dans la sociabilisation des personnes : Aïssatou Ba, présidente du groupement d’Nguer, témoigne par exemple : « Avant l’alphabétisation je ne savais pas me servir de mon téléphone portable, je ne pouvais même pas appeler des personnes car je ne savais pas composer de numéro ni lire de noms. Aujourd’hui quand je veux envoyer un message je peux l’écrire et l’envoyer moi-même sans l’aide de personne. »
Plus globalement, Assane Dieng affirme que « l’alphabétisation a un impact réel sur l’organisation des groupements, et qu’elle renforce la communication ». Les formations en alphabétisation facilitent également l’interconnaissance au sein des groupements, chacun est conscient du rôle que tient son voisin, de ses droits et devoirs. Les comptes du groupement sont publics, chaque dépense commune est reportée, renforçant ainsi la responsabilité individuelle de chaque paysan : « Aujourd’hui il y a des personnes qui ne connaissent pas leurs rôles, leurs devoirs dans le collectif. Si le membre connait ses droits et devoirs il pourra bénéficier de ses droits et respecter ses devoirs, et c’est à partir de cette alphabétisation qu’on rentre dans les détails. Après deux ans de formation, les personnes sont capables de faire valoir leurs droits. » Assane termine en disant que « la circulation de l’information est vraiment renforcée par cette formation. De plus en plus de personnes veulent s’alphabétiser, ça leur permet de faire certaines choses en termes de transformation sociale, de réduction des inégalités… »
L’alphabétisation des populations paysannes comme de tout autre type de populations en situations de vulnérabilité est essentielle à leur émancipation et à la construction, à termes d’une société plus juste ! En 2022, sept nouvelles classes d’alphabétisation s’ouvrent grâce à l’action de l’UGPM dans le cadre de notre projet commun de redynamisation des collectifs paysans.
Aïssatou Ba, présidente du groupement paysan de Nguer