Sérigne Moussa Mbaye, menuisier et président

Sérigne Moussa Mbaye est menuisier, et le président de l’organisation nationale des professionnels (ONP) du bois de Dakar. Il parle de son parcours, de sa découverte de la menuiserie et du lien fort qui s’est construit avec la Kora, un des partenaires de Frères des Hommes au Sénégal.

« C’est comme si on me louait »

J’ai fait mes études à l’école primaire de Gossas, jusqu’en 5ème secondaire (l’équivalent de la classe de première au lycée français). En 1968, après avoir participé aux grèves, j’ai été exclu de l’école. Après 2 années sans rien faire, ma mère m’a emmené à Dakar chez mon oncle, menuisier, pour qu’il me trouve un emploi d’apprentissage. Après 5 ans d’apprentissage dans un atelier j’ai travaillé dans pas mal d’entreprises de Dakar, j’allais d’atelier en atelier avec ma caisse à outils. C’est comme si on me louait. Grâce à cette expérience j’ai acquis beaucoup de compétences ; j’ai fait des ateliers où le système, les techniques de travail, la gestion, les patrons diffèrent. Ce qui m’a beaucoup servi. A partir de là j’ai travaillé pendant 2 ans dans une grande entreprise qui travaille le bois où j’ai obtenu une attestation de formation puis j’ai travaillé à La Poste-Société nationale de communication qui possède au Sénégal un grand atelier de menuiserie. Le bas salaire m’a incité, parallèlement, à créer ma propre entreprise. Et au bout de 3 ans, quand mon atelier s’est développé, j’ai démissionné pour m’impliquer pleinement dans mes propres activités. De là j’ai commencé à prendre des cours par correspondance avec une école française à Paris, Unieco Formation. Après avoir eu mon CAP en menuiserie en 1978 j’ai continué à travailler avec des ONG comme ENDA ou ACA (Association Conseil pour l’Action) qui m’ont accompagné dans beaucoup de formations : gestion de l’atelier, techniques de négociations, l’étude de devis, formation en comptabilité, formation des formateurs et tout ça était certifié par des attestations. Puis, avec d’autres artisans, on s’est organisé en coopérative.

« Nous au Sénégal on travaille avec les moyens du bord »

Grâce à la formation avec l’école de Paris, j’étais en relation avec le ministère de l’artisanat et un beau jour ce dernier a fait appel à moi pour participer au Conseil Mondial de l’Artisanat au Maroc. J’y suis allé pendant 45 jours et j’ai rencontré beaucoup d’artisans qui avaient fait des hautes écoles en menuiserie, qui avaient des bacs techniques, des brevets, mais moi je me limitais à mon CV. Mais j’ai réalisé que mon point fort était ma maîtrise de toutes les étapes de conception d’un produit alors que eux avaient chacun une spécialisation. Si tu as le goût du métier, et si tu le maîtrises, les techniques d’innovation ne manquent pas, tu innoves toujours par toi-même. Les journalistes et artisans sont venus voir la façon dont je coupais le bois avec la scie, la position, etc. et m’ont demandé comment je pouvais manipuler le bois comme ça si je n’avais pas fait les hautes écoles, je leur ai répondu que « nous au Sénégal on travaille avec les moyens du bord, c’est l’expérience qui m’a donné cette hauteur-là, j’ai fait pas mal d’atelier au Sénégal, ce qui m’a mis à ce niveau. »

« La Kora PRD est maintenant comme un menuisier »

On a travaillé avec la Kora PRD pour la mise en place de l’organisation nationale des professionnels bois, à Dakar. Ce n’était pas simple pour nous de se déplacer dans les 14 régions, de rencontrer les agents régionaux, départementaux, nationaux, etc…on n’avait pas les moyens de le faire, donc la Kora a participé à la mise en place de cette organisation professionnelle. Elle travaillait déjà hors de de Dakar avec les artisans de Thiès, Touba, Tambacounda, Kolda etc. Et à la mise en place de l’ONP bois, on a sollicité son accompagnement et à partir de là on a continué à faire des programmes de formation avec les apprentis dans les quartiers de Pikine, Guédiawaye, à Dakar, etc. Jusqu’à aujourd’hui on continue à travailler avec la Kora sur beaucoup de programmes. Elle est la seule à nous accompagner depuis quelques années, à part le ministère de la formation professionnelle. On n’exclut pas pour autant les autres ONG. J’ai des contacts avec l’association Concept par exemple. Ce sont les rencontres pluri-acteurs qui nous ont rassemblés, car dans tous les ateliers on est en contact avec des organisations comme Concept, AJE, etc. On considère maintenant la Kora comme « un menuisier », elle connaît tout ce qui tourne autour de ce métier, elle nous appuie, nous accompagne, nous conseille. »