Marie Bouret est coordinatrice du pôle Form’Action à Frères des Hommes ; elle a travaillé aux côtés d’Assane Dieng, responsable Alphabétisation de l’Union des Groupements Paysans de Meckhé (UGPM), notre partenaire au Sénégal. Ensemble, ils sont revenus sur la création de bibliothèques villageoises dans les années 2000 par l’UGPM, et ont compilé de nombreux témoignages et pratiques de manière à faire revivre dans les meilleures conditions ces lieux d’échanges et d’apprentissages.
Marie nous explique : « L’objectif de ces bibliothèques, c’est qu’après des formations en alphabétisation, les villages puissent continuer à proposer des animations autour de la lecture, de l’écriture, et valoriser les savoirs locaux ancestraux et la langue wolof. Il peut s’agir de renforcement en alphabétisation, d’animations parents-enfants autour de contes traditionnels en wolof, d’écriture de poèmes en wolof ou d’ateliers d’écritures pour raconter sa propre histoire, son propre vécu, pour pouvoir le transmettre aux nouvelles générations. »
Un environnement d’apprentissage décentralisé et adapté à chacun·e
Alors qu’en France, une bibliothèque fait référence à un bâtiment communal concentrant toutes sortes de ressources écrites, les bibliothèques villageoises n’ont pas à être matérialisées et rattachées à un lieu particulier. Elles peuvent exister par exemple sous la forme de valises, de kits, ou simplement de temps collectifs réguliers rassemblant les personnes volontaires autour d’une même activité. L’important est qu’elles soient coordonnées par une personne référente dans chaque village.
C’est là qu’intervient l’UGPM : dans ses pratiques d’accompagnement, notre partenaire est en mesure de maintenir un lien particulier avec chacun des 70 groupements présents dans 50 villages et accompagnés par des animateurs locaux, dits endogènes : « Ce qui est mis en place par l’UGPM avec les animateurs et animatrices endogènes permet de stabiliser le lien avec un référent, un lien qui n’était pas forcément là avant. Désormais, les animateurs et animatrices vont pouvoir travailler main dans la main avec le ou la référente de leur bibliothèque pour préparer les animations, gérer la bibliothèque et apporter des ressources. »
Grâce à ce lien particulier établi avec chacun des groupements, l’UGPM permet aux gestionnaires de ces bibliothèques villageoises de mettre en place ces dernières ou bien si tel était déjà le cas, de se développer et diversifier les activités proposées !
Perpétrer un environnement lettré après l’alphabétisation
L’enjeu de ces dispositifs décentralisés repose dans le fait qu’au Sénégal, l’analphabétisme est toujours très présent en milieu rural. Les programmes d’alphabétisation de l’État sont devenus difficiles d’accès et c’est ce constat qui motive la demande de plusieurs groupements autour de Meckhé de recevoir des formations alphabétisantes. L’UGPM relance donc des parcours d’alphabétisation auxquels il faut donner une suite, pour maintenir un environnement lettré après la fin du parcours de formation. Grâce à l’organisation par les bibliothèques d’ateliers d’écriture et de lecture, les nouveaux acquis des personnes alphabétisées récemment ne s’évaporent pas et sont même stimulés et développés par la suite. Ce dispositif permet également un partage de connaissances et de pratiques entre les différentes générations, sur des thématiques telles que les techniques agricoles, les problématiques sociales ou culturelles : autant d’échanges précieux à la dynamisation des groupements et leur rayonnement local !
Inspirer et s’inspirer de ses pairs
L’initiative de ces bibliothèques villageoises au Sénégal a pu par ailleurs inspirer d’autres de nos partenaires en Afrique. Dans le cadre d’un cycle d’échange portant sur l’alphabétisation, animé à la demande de nos partenaires Rwandais pour le projet Récasé, « L’UGPM a souhaité témoigner de cette expérience des bibliothèques villageoises » explique Marie. « Il y a eu un premier échange sur Zoom qui a été prolongé lors d’un voyage d’échange au Rwanda. […] Cela a inspiré le projet Récasé pour mettre en place des bibliothèques avec les organisations communautaires de base (OCB) ».
Par ailleurs, en partageant cette expérience passée avec nos partenaires Rwandais et avec l’APEF en RD Congo, l’UGPM a pu requestionner certaines pratiques et prendre du recul sur ce qui avait été fait, pour aborder de la meilleure des manières ce nouveau cycle avec les groupements !
C’est là toute la richesse des échanges entre pairs qui font vivre notre collectif Former pour Transformer depuis 2017, et qui font grandir chacun des projets menés avec nos partenaires à l’étranger.