Rwanda : l’Etat doit aussi soutenir les paysans les plus modestes

Gabriel Nkuliyimana est directeur d’Adenya, partenaire de longue date de Frères des Hommes. Nous l’avons rencontré pour évoquer le 1er volet de notre projet commun de soutien aux « petits » paysans qui vient de se terminer.

Le premier volet du projet « Promotion de la participation des ménages paysans aux politiques de développement agricole et de lutte contre la malnutrition (PPMDA) » vient de se terminer, est-ce que tu peux nous en parler ?

C’est un projet conçu avec Frères des Hommes et Duhamic-Adri avec pour objectif d’améliorer la situation des petits paysans. Au Rwanda, en général, les paysans ont peu de terres, ils possèdent en moyenne 60 ares par familles, c’est-à-dire un petit peu plus d’un demi-hectare. Mais il y a aussi des familles qui ont des terres de moins de 25 ares, et ces personnes sont exclues des programmes de l’Etat. Par exemple, le programme de l’Etat « une famille une vache » ne visait que ceux qui possédaient suffisamment de terres. Un autre exemple de programme est celui de la consolidation de terres qui donnait le droit aux agriculteurs d’accéder gratuitement à des semences, des engrais et des fertilisants. Pour pouvoir en bénéficier, les paysans devaient posséder au minimum un demi-hectare. Cette situation nous a amené à nous demander comment faire pour que ceux qui possèdent moins de terres puissent aussi avoir accès aux aides de l’Etat. On a alors compris qu’il fallait sensibiliser les autorités locales pour qu’elles comprennent que les problèmes de la paysannerie ne sont pas seulement liés à un manque de moyens mais aussi à un manque de terres, et qu’il est nécessaire de chercher des solutions pour aider ces populations qui rencontrent de grandes difficultés.

Quelles activités ont été mises en place ?

On a distribué du petit élevage, des poules, des porcs et des lapins qui demandent peu d’espace, puis on a dispensé des formations techniques pour montrer aux paysans comment en vivre. En deuxième lieu, nous avons invité les autorités locales à visiter les activités pour qu’elles voient comment les populations peuvent s’en sortir, même en possédant peu de terres. On a également cherché à travailler avec les autorités locales en matière de lutte contre la malnutrition et de plaidoyer. Comment les sensibiliser pour qu’elles fassent du plaidoyer avec les populations ? En plus des visites, il y a donc eu des « activités pilotes » qui réunissaient des groupements paysans de la région, les paysans bénéficiaires et les autorités locales dans des lieux comme l’école ou le centre de santé. Ceci a vraiment permis les échanges avec les autorités locales, afin qu’elles comprennent bien la situation dans laquelle vivent les petits paysans.

Est-ce que vous avez vu un impact du projet sur la reconnaissance des paysans par les autorités locales ?

Oui. Par exemple, au départ, les autorités locales ne comprenaient pas que notre projet distribue du petit bétail et non pas des vaches comme le prévoyait le programme initial de l’Etat. Mais elles ont compris que tout le monde ne peut pas élever des vaches et qu’il faut également promouvoir le petit élevage, et maintenant, c’est pour elles une priorité. C’est une vraie réussite, et on doit continuer le plaidoyer. En plus, les paysans sont fiers de pouvoir dialoguer avec les autorités locales, pas seulement au niveau le plus bas mais aussi au niveau du secteur. Le fait de réunir paysans et autorités pour discuter des mêmes problèmes aide vraiment les petits paysans à se sentir responsables d’eux-mêmes et à prendre confiance en soi.

Le second volet du projet PPMDA va bientôt démarrer, en quoi va-t-il consister ?

Les activités seront presque similaires au premier volet car on souhaite renforcer ce qui a déjà été mis en place. On pense aussi à étendre le projet à de nouvelles familles, et on va continuer les formations. Au niveau du plaidoyer, on souhaite également aller plus loin. Jusqu’à présent, notre action de plaidoyer n’a pas dépassé le niveau du district alors qu’on veut aller jusqu’au niveau national. C’est pourquoi on voudrait intégrer d’autres organisations locales pour mener le combat ensemble. C’est l’un des objectifs du nouveau projet, s’associer à d’autres partenaires sur le terrain et des membres de la société civile.

Vous avez également entamé une démarche de capitalisation, peux-tu nous en parler ?

La capitalisation est quelque chose de très important dans l’évaluation du projet. Elle va permettre de voir ce qui s’est passé et montrer aux autres ce à quoi nous sommes arrivés. Pour nous, c’est tout l’intérêt de cette démarche : revenir sur notre parcours, garder mémoire de ce qui a été fait et analyser les difficultés que l’on a rencontrées, comment on les a surmontées, et comment s’y prendre pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs.