[RD Congo] Penser les maux par des mots

En RD Congo, dans le cadre de notre projet commun, l’Association pour la Promotion de l’Entreprenariat Féminin (APEF) propose aux femmes de Bukavu et ses alentours une formation d’alphabétisation. Sylvie Mapendo, responsable de cette formation nous parle de son organisation et de ses objectifs.

Il a d’abord fallu trouver des personnes souhaitant apprendre à lire et à écrire ou se renforcer dans ce domaine. Pour ce faire, les équipes de l’APEF ont mobilisé différents médias pour faire parler de cette nouvelle offre de formation : par la radio, des mégaphones dans les marchés ou à la sortie des églises, la nouvelle s’est répandue et les premières apprenantes se sont rendues à l’APEF. Sylvie Mapenda, responsable de l’alphabétisation à l’APEF explique : « Pour la première promotion, on a sélectionné tout le monde, sans condition. Pour les deuxième et troisième promotions, nous avons organisé un test de niveau, avec pour connaître leur niveau approximatif et nous aider à faire notre sélection, sans que la réussite au test soit un critère de sélection. »

Dès leur arrivée à l’APEF, les femmes déterminent elles-mêmes les heures des formations en fonction de leurs contraintes : beaucoup viennent des villes voisines et doivent compter parfois plusieurs heures de marche quotidiennes pour assister aux formations de l’APEF. Les cours ont lieu chaque jour de la semaine pendant 6 mois.

Pour s’adapter au mieux au niveau de chacune : Merveille Furaha Muhemeri, responsable pédagogique de l’APEF l’illustre en ces termes : « Nous avons des apprenantes de niveaux différents. Il y a 4 sortes d’analphabètes : les totales (la personne ne connait rien), l’analphabète de retour (qui est allée à l’école mais pas suffisamment longtemps), les partielles (j’ai un niveau de base mais j’ai des difficultés), puis des analphabètes fonctionnelles qui ne savent pas différencier les choses. Nous mélangeons les femmes en fonction de leurs niveaux de manière à ce que les analphabètes totales soient aidées par les analphabètes de retour etc. Bien sur l’animatrice reste présente pour soutenir les femmes débutantes. »

Les méthodes pédagogiques utilisées pour l’alphabétisation des femmes sont pensées pour faciliter l’assimilation rapide de la lecture, de l’écriture et du comptage, mais également pour faire émerger de nouvelles réflexions sur leurs conditions de femmes en RD Congo. Sylvie nous en dit plus : « L’important est d’abord de créer la confiance au sein de la promotion, que les femmes fassent connaissance entre elles et avec nous. Ensuite vient la pratique : l’apprentissage commence par le griffonnage qui permet d’apprendre à tenir un stylo, et gagner en souplesse pour l’écriture. Puis on entame la pratique par le biais de fiches, de boites à images et de mots générateurs qui font le lien avec les thématiques d’émancipation. »

À partir d’une image qu’on leur montre, les femmes devinent le mot générateur, à partir duquel elles vont découper les voyelles, les consonnes, les syllabes et penser à d’autres mots voisins, avant de formuler des phrases.

« Les mots générateurs permettent d’introduire des formations émancipatrices auprès des apprenantes : on leur parle des IST, de la gestion de conflit, du genre et du droit à l’éducation. Chaque thématique vient d’un mot générateur : paix, droit, maladie, et famille par exemple. On peut ainsi les conscientiser sur leur situation et accompagner le développement de leur réflexion à ces sujets » témoigne Sylvie.

Pour terminer leur cycle d’alphabétisation, les apprenantes remplissent en autonomie un dossier de fin de formation, dans lequel elles se présentent à l’écrit et développent notamment les raisons qui les ont poussées à s’alphabétiser à ce stade de leur vie. Une manière pour elles de mettre sur papier le chemin parcouru depuis leur entrée à l’APEF et de prendre confiance en elles pour la suite de leur vie. Ludivine Courtois, notre volontaire de solidarité internationale rattachée à l’APEF explique d’ailleurs : «  Le programme en alphabétisation a été aussi ouvert parce que des femmes voulaient suivre la formation en coupe couture mais n’avaient pas un niveau suffisant d’alphabétisme pour le faire. Maintenant que cette formation existe, une fois que les femmes ont réussi leur formation alphabétisantes, elles peuvent intégrer la formation en coupe-couture. Si elles ne veulent pas elles peuvent juste sortir de l’APEF, mais on voudrait pouvoir travailler avec ces filles là pour les rediriger vers un autre centre qui propre d’autres formation qui les intéresseraient davantage. »

De bien belles perspectives, tant pour les femmes et jeunes filles désormais alphabétisées que pour l’APEF dont les ambitions en matière d’émancipation économique, sociale et politique des femmes à Bukavu ne cessent de croître !