« La crise a fait bouger beaucoup de choses »

Dès le début de la crise sanitaire, sans autre choix que s’auto-organiser, les quartiers populaires de Lima, accompagnés par notre partenaire Cenca, ont monté un réseau de cantines populaires, avec pour but de nourrir la population. Maruja Munoz est femme au foyer, habitante du quartier de Mariategui, (dans le district de San Juan de Lurigancho, le plus peuplé de Lima) et très tôt impliquée dans ce qu’on appelle les « ollas comunes », les « marmites collectives ».

Qu’est ce qui a changé dans notre vie depuis un an ?
La crise sanitaire a fait bouger des situations qui ne bougeaient plus. Par exemple depuis 5 ans, nous n’avions pas de conseil de quartier, personne ne se souciait de savoir si nous avions de l’eau courante, si les escaliers étaient réparés. C’est seulement quand nous nous sommes organisées avec les cantines populaires que la mairie s’est intéressée à nous et a remis en place ce conseil. Comme je l’ai dit la crise a fait bouger beaucoup de choses mais en a empêché d’autres. Par exemple nous devions démarrer une affaire avec d’autres femmes qui s’étaient formées en couture, ça n’a pas été possible. On avait acheté tout le matériel.

Que représente vivre et travailler dans Mariategui, en tant que femme ?
C’est assez dur, car je vis vraiment dans les hauteurs, il n’y a pas d’escaliers, ni l’eau courante. Mais je connais beaucoup de femmes avec des personnalistes très généreuses, nous nous appuyons beaucoup les unes les autres.

Comment avez-vous connu Cenca ?
Par le biais d’une voisine qui participait aux formations que Cenca donnait. J’ai donc participé à mon tour aux formations en cordonnerie et en couture, que je préfère, ainsi qu’aux ateliers de discussion.

Qu’est-ce que cela a pu vous apporter ?
Pendant les ateliers de discussion du lundi soir, nous avons abordé le sujet des droits des femmes. Je n’avais pas conscience de ces droits, ça m’a aidé. Pour ce qui est de la formation en couture, à cause de la crise je n’ai pas trop pu la mettre en application. Mais j’ai pu faire mes propres patrons de masques que j’ai vendus aux voisins et dans le quartier. Ça m’a dépanné pendant que nous étions confinés. Habla Mujer m’a aidée, moi et les autres femmes, on apprend d’autres choses. Ça m’a servi à me motiver, à aller de l’avant. Ça m’a donné de l’estime de soi. Au début on y va un peu en tâtonnant, en se demandant comment ça va se passer mais les réunions sont très motivantes. Ça nous permet de ne pas rester à la maison toute la journée, on apprend chaque jour. On voit ce qu’on peut apporter, en termes économiques mais aussi personnels. Mon époux aussi a participé aux ateliers pour les hommes.

Est-ce que vous pensez que le gouvernement a joué et joue son rôle ?
Non, pas du tout. On est oubliés de la mairie. Personne n’est venu nous voir. Nous avons reçu un soutien financier pour un mois mais pas pour les 3 mois prévus.

Vous pensez que toute votre mobilisation peut être un exemple pour le pays ?
Oui, la semaine passée, nous sommes allées au congrès pour se faire entendre et rendre visibles les cantines populaires. Nous sommes plus de 43 cantines maintenant. Elles ont un rôle important dans la crise sanitaire.

Que serait une Lima idéale ?
Une ville qui nous soutienne, qui nous forme, qui nous fournisse l’eau courante, qui nous donne des infrastructures.