Pouvez-vous nous décrire la naissance du groupe d’action, à l’origine du syndicat que vous coordonnez ?
C’était terriblement difficile. Quand nous avons monté ce groupe d’action collective, qui est maintenant devenu un syndicat, il y avait un réel besoin pour les employées de maison. Au début on travaillait très dur pour aller à la rencontre des employées de maison et leur expliquer pourquoi elles devaient demander plus que 100 roupies par mois de salaire. On ne nous a pas laissé tranquilles, certaines femmes ont été chassées de leur emploi, certaines ont été accusées de vol. Mais la difficulté venait aussi des femmes elles-mêmes. Elles nous demandaient : « pourquoi a-t-on besoin de rejoindre le syndicat ? Qu’est-ce que ça va m’apporter ? » Elles ne voyaient pas leur intérêt. Petit à petit elles sont venues, elles ont écrit des demandes pour leurs employeurs. Peu à peu, le syndicat a pu se mobiliser. Nous avons réussi par exemple à interdire le travail des enfants en dessous de 18 ans comme employés de maison. Au début nous avions 500 membres dans le syndicat, après 5 ans nous étions 3 750.
Pourquoi avoir fait le choix de s’organiser ?
Nos conditions de vie étaient misérables, on vivait vraiment mal. Il fallait qu’on se mobilise pour l’avenir de nos enfants, pour de meilleures conditions de travail. Pour cela, le seul choix était de s’organiser. Tout le monde nous faisait peur, du policier au juge. Si on leur demandait quoi que ce soit, ils nous chassaient, mais quand on se rassemble, on a le courage de faire face à ces abus, à tout ce système.
Quel est le déclic pour les femmes qui vous rejoignent ?
Les femmes viennent car elles souffrent beaucoup de ne jamais sortir de chez elles. La société nous dit, à nous femmes, de travailler et ensuite de rester chez nous. Il faut qu’elles sortent de cette situation et prennent l’initiative d’agir. C’est le meilleur moyen de ne pas revenir en arrière. J’ai vécu des choses dures quand j’étais employée de maison. Je n’avais ni argent, ni nourriture. J’en parlais aux femmes autour de moi et au lieu de les décourager, cela les motivait encore plus pour rejoindre le groupe. Ce que moi j’ai enduré, aucune femme ne devrait aussi le supporter. C’est le groupe qui change l’individu car quand on se confie sur nos problèmes, sur la façon dont nos maris, nos employeurs nous traitent, on peut espérer une solution. C’est ça qui nous transforme. On s’est battu pour être reconnues officiellement en tant qu’« employées de maison ». On attend que ce soit mis en place. On a dit au Bureau du travail qu’on organiserait une grande manifestation si ça n’était pas le cas. Oui, ces mobilisations marchent. Lors de la dernière mobilisation, on a poussé le responsable du Bureau à téléphoner à ses supérieurs devant nous.