[Inde] Au-delà de la formation, l’action

Promouvoir et défendre les droits des populations marginalisées en Inde, c’est la raison d’être de Fedina, notre partenaire local. De 2018 à 2020, nous avons agi ensemble aux côtés des femmes travailleuses du textile, des employées de maisons et des retraitées de ce secteur pour impulser des revendications sociales et économiques nécessaires dans un pays où les discriminations de genre et de castes sont encore monnaie courante.

Au fil des années de collaboration entre Frères des Hommes et Fedina, nous sommes allés à la rencontre d’actrices et d’acteurs du changement social, de personnes engagées pour une société indienne qui prenne en considération les besoins des oubliés de la croissance économique. Parmi eux, Veni, employée de maison membre d’un syndicat soutenu par Fedina déplorait : « Les autorités ne sont pas sensibles à notre situation et n’ont pas la volonté de faire ce que nous demandons. »
Ereintées par des journées épuisantes passées à entretenir les maisons de personnes bien plus riches et puissantes, soumises aux dictats d’une société discriminante, bien souvent forcées de travailler jusqu’à un âge très avancé pour pouvoir se nourrir et vivre décemment : nombreuses sont les femmes indiennes qui n’osent revendiquer les droits qui sont les leurs. Sridevi, responsable du projet avec Frères des Hommes illustre bien cette situation avec le cas des personnes retraitées : « Parmi les travailleurs retraités du secteur informel, il y en a qui ont 60 ou 70 ans, c’est compliqué pour eux d’aller défendre leurs droits. Ils ont passé 50 ans à bâtir cette société : pourquoi est-ce qu’ils ne pourraient pas bénéficier d’une sécurité sociale pour pouvoir vivre dignement ? »

Une conscientisation nécessaire au passage à l’action

Pour être à même de changer cette donne inégalitaire, il s’agit d’abord de prendre conscience de ses droits, des aides et soutiens que l’on peut revendiquer, comme les droits au jour de repos hebdomadaire, à la sécurité sociale, à une juste rémunération… De 2018 à 2020, Fedina a pu former 800 femmes au droit du travail, et leur permettre de prendre conscience de leur valeur au sein de la société indienne. Lakshmi, employée de maison accompagnée par notre partenaire témoigne : «  Nous n’avions jamais eu de congés hebdomadaires. C’est Fedina qui nous a par exemple accompagnées à demander des congés hebdomadaires et un salaire mensuel décent. » Veni complète : « Comme nous ne sommes pas éduquées, les interactions avec Fedina sont inestimables. Quand ils nous parlent de nos droits et de la loi, c’est comme recevoir une éducation. »
Les séances de formation élaborées par Fedina avec le soutien des chargées de formation de Frères des Hommes ont également vocation à révéler le pouvoir du collectif, et la nécessité d’agir ensemble pour faire entendre des revendications communes. En juin 2022, lors d’une visite à Frères des Hommes en France, Sridevi, félicitait « une prise de conscience incroyable qui s’est déroulée grâce aux formations, que ce soit sur les salaires ou les modes de vie décents. »

La force du collectif

Mehboobi est accompagnée par Fedina en tant que membre d’un syndicat de femmes employées de maison. Elle revient sur l’importance de la mutualisation des voix et des demandes lorsqu’il s’agit de les exprimer face aux pouvoirs publics, le plus souvent sourds aux doléances des plus vulnérables :

En tant que collectif, on apprend des autres. Et c’est seulement quand on agit en tant que collectif que nous sommes pris au sérieux. Le collectif vous donne du courage et du soutien. C’est pour cela qu’il est très important. Il y a eu une mobilisation devant le bureau du gouverneur de l’Etat pour obtenir un jour de congé. Nous avons mobilisé tous nos membres et leur avons expliqué que nous n’avons pas de jour de congé alors que c’est notre droit. Ils ont tous été d’accord. On a porté nos revendications, en disant aux autorités publiques que si eux avaient droit à un jour de congé alors nous aussi.

Cet exemple de plaidoyer s’est répété au sein des différentes organisations de travailleurs accompagnés par Fedina, comme l’explique Prabhu Lingana Gowda, coordinateur de Fedina à Bijapur : « Les femmes qu’on accompagne ont maintenant ce réflexe d’aller voir leurs employeurs demander ce qui leur est dû, et tout cela vient d’un réflexe collectif que les formations que donne Fedina ont construit. »
C’est par de petites victoires que commence le changement  !

Peu à peu, les femmes se mobilisent et les droits s’acquièrent, car elles seules sont à même de faire porter haut leurs voix. Ensemble, par des mobilisations collectives organisées à différentes échelles humaines, elles obtiennent ce qui leur est dû ! Avec le soutien de Frères des Hommes, Fedina entend bien poursuivre ses actions aux côtés de ces femmes et du reste des populations marginalisées en Inde, car comme le dit Veni, « c’est l’union qui nous donne cette force, c’est pourquoi nous sommes capables d’agir ! »