« Habla mujer », année 2.

Le projet que Frères des Hommes mène avec Cenca, notre partenaire, dans la banlieue Nord de Lima amène les femmes de cette zone à sortir de l’étau familial. Davis Morante (co-directeur de Cenca) était de passage à Paris, il nous parle des nouveautés de cette seconde année, entre formations à un métier et constructions d’espaces pour que ces femmes puissent s’exprimer.

« Exprimer ce qu’elles veulent, leurs espoirs, leurs peurs »
« Avant tout, il faut savoir que dans ce projet, on ne cherche pas seulement à impliquer les femmes, on souhaite aussi intégrer leurs familles pour qu’elles les accompagnent dans la lutte. C’est pourquoi on a voulu démarrer cette nouvelle année par une activité originale : nous sommes allés à la plage avec des femmes accompagnées et leurs familles. Ce qui est curieux, c’est que pour beaucoup, c’était la première fois alors qu’elles vivent sur la côte ! Je pense que ça a été un moment important de partage.


Davis Morante

En rentrant, nous avons repris les réunions entre femmes un lundi sur deux. C’est un espace qui commence à avoir son propre rythme et sa propre dynamique. Les femmes se le sont approprié, elles s’échangent des informations, elles s’ouvrent, et surtout elles osent dire comment elles se sentent. Pour moi, c’est le plus important, et c’est un des avantages de la pédagogie populaire : elle permet justement aux femmes d’exprimer ce qu’elles veulent, leurs espoirs, leurs peurs.

« Elles cherchent à montrer que oui, elles sont capables d’acquérir des connaissances »
Les formations techniques aussi ont repris, et cela reste un point fort de ce projet. Parce que nous parlons d’une population qui vit dans une grande pauvreté, et qui manque souvent d’opportunités. Ces formations les aident justement à trouver un travail, ou tout simplement à gagner en estime de soi. Je pense que la majorité des femmes ne cherche pas seulement à se former à quelque chose de technique, mais elles cherchent à montrer que oui, elles sont capables d’acquérir des connaissances. Je pense par exemple à une femme qui suit une formation d’électricienne. Ce qu’elle veut avant tout c’est être un exemple pour ses enfants. Parce qu’il faut savoir aussi que beaucoup de jeunes n’ont pas de référence dans leurs familles concernant les études, ils ne se permettent pas de rêver, ou se dire qu’ils pourraient étudier aussi. Alors je ne sais pas si elle travaillera un jour en tant qu’électricienne, mais ce que je sais, c’est qu’elle va donner l’exemple.

« Elles sentent qu’elles sont importantes, qu’elles peuvent faire des choses différentes »
Les cours de notre école de « leaders » pour le développement local (ESDEL) ont repris aussi, avec 20 participants dont 17 femmes ! Cette année il y a une nouveauté : chaque personne écrira un essai sur le thème de son choix, et nous les publierons. C’est une idée que nous avons eu au Forum Social Mondial au Brésil. Une ONG du Nicaragua nous a parlé de ses travaux d’écriture avec la population, dont une partie était analphabète. Donc on en a parlé aux participants (parce que nous faisons tout de manière participative) et ils étaient tous enchantés. C’est vraiment un impact important sur les personnes, au-delà des indicateurs classiques ! Elles sentent qu’elles sont importantes, qu’elles peuvent faire des choses différentes, ça les pousse aussi à être actives dans leur quotidien, et c’est ça le plus important pour moi. »