Expropriation des terres, criminalisation des citoyens : la tension monte au Pérou

Depuis l’époque de la colonisation, les ressources naturelles du Pérou sont exploitées sans égard pour les populations qui vivent sur les terres convoitées. Aujourd’hui encore, celles-ci sont obligées de lutter contre l’accaparement de leurs terres ancestrales. Le 22 mai dernier, le colloque "Conga No Va" s’est tenu au à Paris au Sénat en soutien à ces peuples luttant contre des projets d’exploitation minière

¡Conga no va ! Un exemple de lutte contre une industrie minière

Depuis 2010, la région de Cajamarca est secouée par un conflit social autour d’un projet d’extraction minière par la multinationale Yanacha appartenant à 50% à l’industriel nord-américain Newmont. La mobilisation contre le projet est fortement réprimée par le gouvernement d’Humala qui a décidé de militariser la région, et en 2012, cinq manifestants ont été tués.

D’autres conflits ont également été abordés lors du colloque, comme celui autour du projet Tía María dans la région d’Arequipa dans les Andes péruviennes. Ce cas a beaucoup en commun avec Cajamarca, comme l’a rappelé Rocio Silva Santisteban, Coordinatrice Nationale des Droits de l’Homme au Pérou, en partie car ils ont tous deux engendré une militarisation de la zone ainsi qu’une criminalisation de la protestation.

Les communautés indigènes, premières victimes des multinationales

Chaska Pacha Wala a été désignée par sa communauté d’Espinar (au sud du Pérou) pour prendre la parole. Elle vient d’une communauté indigène particulièrement attachée aux montagnes qui l’entoure. Du jour au lendemain, elle n’a plus eu accès à ses terres, une multinationale s’y était installée, sans consultation préalable des habitants pour en extraire les richesses minières. Rosa Sara Huaman Rinza, élue de la communauté Quechua de Kanaris, fait elle aussi un récit de la privatisation de ses terres par une multinationale. Sa communauté avait pourtant organisé une consultation où le projet minier avait été rejeté à 90%, décision rejetée par les autorités locales.

Une restriction des droits et une criminalisation des populations

Un des enjeux de l’installation des multinationales est bien la question du droit des peuples natifs. La loi du pays indique que les communautés indigènes doivent être consultées pour tout projet s’effectuant sur leurs terres. Cependant, comme la communauté de Rosa Sara l’a constaté, les autorités n’hésitent pas à modifier les titres des communautés indigènes pour les nommer « communautés paysannes » et restreindre ainsi leur droit de consultation. Les personnes qui osent protester sont alors criminalisées et doivent faire face à des procès et à une répression féroce. La mobilisation d’ONG comme Sherpa pour défendre le droit des populations victimes de crimes économiques arrive à faire en sorte que des sanctions soient prises contre les multinationales, cependant la corruption des autorités empêche souvent les communautés d’accéder à un circuit juridique fiable.

« Chaque manifestation, chaque grève, chaque initiative, peut apporter la mort, le gouvernement réprimant désormais par le feu et le sang en imposant la terreur ». La déclaration finale des participants au colloque du 22 mai rappelle l’urgence de la situation de la population plongée dans les conflits miniers, et l’importance de la solidarité internationale.