[Sénégal] Paroles de Diatta Ndiaye, animateur endogène pour l’UGPM

Les actions de l’Union des Groupements Paysans de Méchké reposent en grande partie sur la connaissance de leur territoire et le lien permanent maintenu avec les groupements membres. Pour ce faire, les animateurs endogènes, vivant au sein des groupements, sont une poulie de transmission essentielle à la remontée des informations vers l’UGPM et vers les groupements. Rencontre avec Diatta Ndiaye, animateur endogène du groupement de Kouré Mbatar.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Diatta Ndiaye. Je suis technicien en élevage, et j’ai intégré l’UGPM avec mon groupement de Kouré Mbatar en 2009. Je suis né dans une famille d’agriculteur et j’ai fait des études dans le développement rural. Je suis moi-même agriculteur : je cultive le mil, le niebe, le sorgho, l’arachide et d’autres cultures associées.

Pouvez-vous nous parler de votre groupement, comment est-il né ?

En 2009, quand je suis revenu de mes études à l’Ecole nationale d’élevage, j’ai trouvé mon village comme une montagne qui dort. Les habitants étaient lassés, déçus des récoltes, il y avait des problèmes d’analphabétisme. Ils étaient découragés, ils ne croyaient même pas au développement ni au groupement paysan parce que leur gestion n’était pas fameuse. En revenant je leur ai dit qu’on pouvait y croire, qu’il n’est jamais trop tard pour mieux faire, que l’on pouvait se regrouper. Il y avait des groupements paysans dans le voisinage, je suis allé les rencontrer pour comprendre comment impulser un changement dans mon village. En revenant j’ai réuni mes voisins à l’école pendant une soirée, je leur ai donné l’occasion de se défouler, de raconter ce qu’ils avaient traversé, pourquoi ils n’y croyaient plus… Et de là j’ai recueilli beaucoup d’idées, pour leur dire qu’on pouvait le faire, il suffisait d’une méthode. Ils m’ont compris, on s’est associés et on a créé une assemblée. On s’est dit que pour s’organiser maintenant il fallait une structure solide, comme un groupement. Ca permet d’être mieux reconnu et mieux organisé. Maintenant on connait les méthodes, les rôles et les devoirs de chacun.
J’aime le monde rural, je suis le premier des jeunes de mon village qui a tenu a rester dans mon village, pour appliquer mes connaissances en développement rural. Je suis technicien vétérinaire mais je connais aussi l’agriculture, l’élevage et la gestion du terroir. Je me suis dit que je devais servir mon village et l’aider à s’améliorer au quotidien, la manière de gérer les activités domestiques, agricoles, organisationnelles, le terroir. Beaucoup de jeunes sont revenus au village quand ils ont compris qu’ils avaient de la place pour eux !

Comment l’UGPM accompagne les groupements paysans ?

Je suis en permanence en contact avec l’UGPM, on travaille avec eux. En tant qu’animateur je suis là pour recueillir toutes les données, suivre et encadrer les activités. Avec l’aide de l’UGPM ça nous a fait un grand boom dans le village, tout le monde le reconnait.
L’UGPM accompagne les groupements sur le plan organisationnel, sur la gestion des projets initiés par les groupements, ils recueillent toutes les idées lors des assemblées générales. Elle est là pour écouter les populations, les villageois, écouter leurs idées et agir avec diligence. Tout ce qu’on voit aujourd’hui comme développement, comme sursaut organisationnel dans la zone de Meckhé, c’est grâce à l’UGPM. Quand on parle de développement, tous nos esprits courent vers l’UGPM. 

Quelle est l’importance du collectif dans l’action paysanne ?

Dans le jargon on dit que personne ne peut aller loin seul. Continuer à travailler individuellement ne sert à rien car il arrivera un moment où on aura besoin de quelque chose que quelqu’un d’autre pourra nous apporter. Il faut s’organiser dans le monde rural, on s’entraide de bon gré. Le développement rural et la vie collective vont ensemble. On a senti que notre vie s’était améliorée, autant au niveau du village qu’au niveau de l’UGPM. En s’associant on acquière beaucoup plus de connaissances, de savoir-vivre et de savoir-être. Ce projet a fait ce que nous sommes aujourd’hui.

Avez-vous suivi des formations avec l’UGPM ?

Oui beaucoup ! Déjà des formations sur le rôle et la responsabilité au niveau du groupement : ça nous a beaucoup servi parce que beaucoup de litiges, de manque de confiance venait de ce manque de savoir sur les rôles et responsabilités de chacun dans le groupement. Beaucoup ne comprenaient pas tout cela. On a aussi appris beaucoup de choses sur les droits humains, la gestion des stocks agricoles, la gestion des terres. On a appris à suivre des projets, du groupement, le recueil des informations et leur transmissions à l’UGPM. Comment encadrer un groupement, le marketing social, le plaidoyer etc. C’était très utile. Donc les paysans de Kouré Mbatar ont été bien renforcés en matière de culture agricole, d’intrant, de gestion des terres et en élevage.

D’après vous quels sont les grands enjeux d’avenir pour les paysans du Sénégal ?

À mon avis il faut une meilleure organisation dans le monde paysan. Les initiatives ne manquent pas. Les paysans aiment le développement et s’écoutent entre eux mais on peut encore améliorer cela. On pourrait plus écouter d’autres paysans du terroir. On a besoin d’apports en intrants, les aides gouvernementales arrivent toujours trop tard, et on est jamais vraiment tenu au courant, les mairies ne vont pas au contact des villages. Il faut aider les structures organisationnelles telles que l’UGPM dans ce sens, pour qu’on soit mieux encadrés et mieux pris en compte dans les politiques agricoles. Il faut associer le monde paysan, prendre en compte leur préoccupations, leur suggestions et les mettre en œuvre.