Magorie, dis-nous quelques mots sur ton parcours et raconte-nous ton expérience de formatrice :
Je suis née en 1983 en Haïti dans le département du Nord-Est, dans la commune de Mombin Crochu, à Compose. Je viens d’une famille nombreuse sans beaucoup de ressources. J’ai eu la chance de faire partie d’un groupement de jeunes du MPP, à Thomonde. Au début je rêvais d’étudier la médecine, mais des soucis de santé m’ont empêchée de continuer. Alors j’ai postulé à des bourses et un jour on m’a appelée pour partir étudier l’agroécologie au Venezuela. Je n’y connaissais rien. Puis j’ai commencé à m’y intéresser de plus en plus. Je l’ai étudiée pendant cinq ans.
Depuis deux ans, je forme donc les paysans en agroécologie dans le centre d’Haïti.
Ce qui m’intéresse le plus, c’est d’aider d’autres personnes, notamment des femmes, qui ont été dans des situations aussi difficiles que les miennes. Je ne sais pas pour les autres pays, mais en Haïti, les femmes sont toujours méprisées. On veut toujours nous faire croire qu’on est inférieures. Quand je regarde mon parcours, je pense qu’on vaut plus que cela. Je fais tout ce que je peux pour leur fairecomprendre qu’elles sont utiles au pays. Je prends plaisir à animer ces formations, pas seulement pour les femmes, aussi pour apprendre aux paysans à mieux respecter la terre.En formant, je veux transmettre le pouvoir d’agir.
« Je ne veux pas seulement faire un rêve pour moi, mais pour tous ceux qui partagent notre vision, celle du MPP et de Frères des Hommes, qui est de lutter
pour avoir une société où tout le monde est considéré comme l’égal de l’autre, une société où il n’y a pas de divisions, de séparations. »
Y’a-t-il une personne qui t’ait guidée dans tes choix ?
Tu sais, j’ai perdu ma mère quand j’étais enfant, à 7 ans. Mon père a joué un grand rôle car nous étions alors sept enfants à sa charge, dans une région rurale d’Haïti. Surtout c’est lui qui m’a appris l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans mon école, il y avait un garçon qui était toujours premier. Il avait l’habitude de dire que les filles ne pouvaient être que des bonnes épouses et n’étaient pas suffisamment intelligentes pour faire ce qu’elles voulaient...Mon père m’a dit : « Ce sont des mensonges, au contraire, les filles ont plus de capacités pour apprendre que les garçons, et ce qu’il t’a dit aujourd’hui, tu peux lui démontrer demain que c’est faux. ». J’ai toujours gardé ce principe par la suite. Je motivais les autres filles autour de moi, qui croyaient parfois qu’elles avaient moins de capacités que les garçons, que leur place n’était pas à l’école à force d’entendre les garçons leur dire ça. Il y a tellement de filles qui quittent l’école à cause de ça…
Je motivais les autres filles autour de moi, qui croyaient parfois qu’elles avaient moins de capacités que les garçons, que leur place n’était pas à l’école à force d’entendre les garçons leur dire ça
Que représente, pour toi, l’agroécologie aujourd’hui, en particulier dans un pays comme Haïti ?
Après avoir fini mes études au Venezuela, j’ai commencé à partager et à voir à quel point l’agroécologie vaut la peine d’être expérimentée en Haïti. Elle est centrée sur la vie en général, c’est connecté avec la nature, la santé, les animaux. C’est la vie. C’est une science que tout le monde devrait étudier. Pratiquer l’agroécologie, ici en Haïti, a amélioré la vie des paysans localement et permis à bon nombre d’habitants de mieux manger à peu de frais. Cela a peut-être aussi créé des vocations, chez les jeunes, dans les villages.
Une journée ou semaine type dans ton travail ?
En général, je me lève très tôt. Il y a des journées où je passe beaucoup de temps
sur le terrain, en moto, et c’est plus fatigant que des journées où je reste à Papaye
au centre du MPP pour encadrer des formations. Je commence les journées sur le
terrain, à partir de 6h, j’accompagne les paysans en fonction des projets. On regarde ensemble comment ils s’en sortent, je récolte des données sur leurs activités et je peux rentrer à 18h du soir. A ce moment-là, je me repose ; mais comme je te disais, ce n’est pas tous les jours du terrain.
Ta relation avec Frères des Hommes : comment travaillez-vous ensemble et que vous apporte cette association ?
En général, je me lève très tôt. Il y a des journées où je passe beaucoup de temps
sur le terrain, en moto, et c’est plus fatigant que des journées où je reste à Papaye
au centre du MPP pour encadrer des formations. Je commence les journées sur le
terrain, à partir de 6h, j’accompagne les paysans en fonction des projets. On regarde
ensemble comment ils s’en sortent, je récolte des données sur leurs activités et je
peux rentrer à 18h du soir. A ce moment-là, je me repose ; mais comme je te disais,
ce n’est pas tous les jours du terrain.
Pratiquer l’agroécologie, ici en Haïti, a amélioré la vie des paysans localement et permis à bon nombre d’habitants de mieux manger à peu de frais
Ta relation avec Frères des Hommes : comment travaillez-vous ensemble et que vous apporte cette association ?
C’est surtout au niveau de la méthode de formation que Frères des Hommes nous apporte un soutien, en plus de moyens financiers. Dans le cadre de notre projet
commun, j’ai appris beaucoup sur les objectifs pédagogiques et l’organisation d’un module de formation. Le déroulé d’une formation est devenu pour moi beaucoup plus clair. J’avais pas mal de difficultés à transmettre ce que je voulais dire, ça me permet d’être plus efficace dans l’échange avec les paysans.
Quels sont, selon toi,les meilleurs conseils qui t’ont permis de réussir et de changer ta vie positivement ?
Tout d’abord je dirais comme mon père, spécialement aux jeunes : aller à l’école, se former et apprendre le plus possible. Le deuxième conseil serait de mieux connaître son environnement, notamment lorsqu’on travaille dans le domaine de l’agriculture,
c’est important. Un des conseils aussi pour réussir c’est de faire appel aux autres lorsqu’on est dans la difficulté, se faire accompagner lorsqu’on ne sait pas. Et
pour terminer, pour réussir un projet, il ne faut pas hésiter à se regrouper avec d’autres personnes qui veulent aller dans le même sens : « Tout seul on va
plus vite, ensemble on va plus loin. » Tu sais, je n’aurais jamais pu imaginer arriver là où j’en suis. Donc je crois que tout est possible. Mais ça ne m’intéresse pas d’aller quelque part seule. Je ne veux pas faire le chemin seule. Je ne veux pas seulement faire un rêve pour moi, mais pour tous ceux qui partagent notre vision, celle du MPP,
et de Frères des Hommes, qui est de lutter pour avoir une société où tout le monde est considéré comme l’égal de l’autre, une société où il n’y a pas de divisions, de séparations.
C’est surtout au niveau de la méthode de formation que Frères des Hommes nous apporte un soutien, en plus de moyens financiers.
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