« Je voulais assurer l’autoconsommation de ma famille »

Le 26 mars dernier, 25 paysans originaires des communes de Hinche et Mirebalais en Haïti ont été "diplômés en agroécologie". Pendant 10 mois, ils ont été accompagnés par les formateurs du Mouvement paysan Papaye, partenaire de Frères des Hommes en Haïti. Nous vous invitons à découvrir l’interview de Delourdes Lormé, une de ces diplômé-e-s.

► Agricultrice
► 42 ans, mariée, 3 enfants
► Habite dans la commune de Hinche, section St Just

Delourdes, tu fais partie des 25 paysans qui ont récemment suivi la formation en agroécologie. Pourrais-tu m’expliquer pourquoi tu as voulu participer à cette formation ?

La raison qui m’avait poussée à suivre cette formation en agroécologie au niveau du MPP est que je n’avais pas assez de connaissances pour produire. Donc je voulais acquérir plus de compétences techniques et surtout assurer l’autoconsommation de ma famille.

Peux-tu nous raconter comment se sont passés les 10 mois de la formation ? As-tu rencontré des difficultés ?

Au début, j’ai eu du mal à m’adapter. C’était nouveau pour moi, je n’arrivais pas à maîtriser le contenu de la formation, j’avais un problème pour assimiler les notions apprises. Mais par la suite, en échangeant avec les autres personnes du groupe, j’ai commencé à comprendre. Après les cours on formait des clubs de travail pour échanger ensemble autour de ce qu’on avait vu pendant la journée. Quand on partage ce qu’on a compris, ça aide à mieux apprendre et à se préparer à la « graduation » (après 10 mois de formation, les 25 paysans apprenants ont passé une série d’examens leur permettant d’être diplômés en agroécologie [ndlr]).

Est-ce que tu as commencé à partager les techniques que tu as apprises avec ton voisinage ?

Pendant la formation j’ai formé une « brigade » (groupe d’une dizaine de paysans [ndlr]). Je leur ai appris les techniques de greffage, de préparation de sol, de conservation de sol, par exemple en mettant en place des murs secs. Pour m’en sortir, j’utilise les techniques d’animation que j’ai apprises pour retenir l’attention des gens. J’essaie d’avoir une posture adaptée pour faciliter le changement dans leurs anciennes pratiques. Par exemple, avant on avait du fumier et des branches d’arbres dans nos parcelles et on les brulait complètement. Maintenant, on va les utiliser pour conserver nos sols, pour lutter contre l’érosion lors des saisons des pluies.

As-tu rencontré des difficultés dans ce travail d’accompagnement et de formation de tes voisins ?

Ce n’est pas toujours facile. Mes difficultés sont dues au manque de temps, ce n’est pas adapté quand on forme des adultes. Il me faut beaucoup de patience, mais parfois je n’ai pas les moyens pour les garder pendant longtemps. Comme dit le vieil adage, « ventre affamé n’a pas d’oreilles »…

Pour conclure, peux-tu nous dire quel impact cette formation a-t-elle eu sur ton quotidien ?

Pour moi, la formation m’a permis de faire beaucoup de choses pour ma famille. Par exemple, grâce aux caoutchoucs (pneus usagés utilisés pour faire des jardins sur pilotis [ndlr]) et aux semences qu’on nous a donnés, j’ai pu faire un jardin prekay (« jardin près de la maison » en créole). J’ai pu produire beaucoup sur un petit espace avec des cultures diversifiées, c’était assez pour nourrir ma famille. J’ai pu vendre aussi les excédents, soit pour acheter un cahier ou une plume pour mes enfants. Je n’étais pas obligée de vendre une poule ou une chèvre pour répondre à ces besoins.