Inde : « Nous devons avoir un seul objectif, celui de changer la société »

Lathamma a été employée de maison toute sa vie. Maintenant retraitée, elle doit quand même continuer de travailler pour vivre, comme des milliers d’Indiennes, très souvent issues des basses castes. Elle est maintenant responsable du syndicat de retraitées Aykhyatta, accompagné par notre partenaire Fedina.

Quels sont les problèmes auxquels font face les femmes de votre groupe ?

Elles ont des problèmes de violence dans leur couple. Quand il y a des problèmes comme ça, trois ou quatre d’entre nous du syndicat vont essayer de comprendre la situation et la résoudre en allant à la rencontre des femmes. Si le problème perdure nous en discutons avec un autre syndicat, celui des employées de maison, qui a l’habitude de traiter les violences domestiques.

Quand vous interpellez les autorités de la ville de Bijapur sur ces problèmes, que vous répondent-elles ?

Les autorités ne sont pas sensibles à notre situation et n’ont pas la volonté de faire ce que nous demandons. Nous sommes pauvres. Mais nous avons des droits et des besoins, c’est pourquoi nous nous mobilisons Nous n’avons pas d’autre moyens parce qu’ils se moquent de notre situation. Leur attitude est due au fait qu’ils nous considèrent comme une classe inférieure. Mais ce qu’ils mangent, nous le mangeons et ce que nous mangeons, ils le mangent. Nous avons le même sang qui coule dans nos veines - le leur et le nôtre. La seule différence, c’est qu’ils ont de l’argent et nous n’en avons pas. Il est indispensable que nous soyons égaux et que nous soyons inclues dans la société, car les autorités nous considèrent toujours et nous considéreront toujours comme des femmes d’une caste inférieure. Nous sommes celles et ceux qui avons construit le Vidhana Soudha (siège législatif de l’État du Karnataka à Bangalore). Parfois, nous n’avons même pas d’argent pour un seul repas alors qu’ils sont assis dans la fraîcheur de leurs salles climatisées. Nous sommes les gens qui travaillons dur, mais nous sommes en bas de l’échelle.

Quel est votre lien avec Fedina ?

C’est grâce à notre relation avec Fedina que nous sommes capables de faire ce que nous faisons. Aucune d’entre nous ne sait ni lire ni écrire, Fedina est en soutien et nous nous sommes en 1ère ligne. C’est pourquoi nous sommes très souvent en contact avec eux.

Depuis que vous avez commencé à travailler, qu’est-ce qui a changé en Inde ?

Avant il y avait de la peur chez les gens, peur de l’employeur, peur dans la famille. Quand nous travaillions sur les routes nous avions peur, quand nous travaillions sur des chantiers de construction, nous avions peur. Nous avons vécu toute notre vie dans la peur. Maintenant, elle est beaucoup moins présente mais encore aujourd’hui avec les 200 à 300 roupies que nous gagnons, car nous continuons à travailler, nous ne pouvons pas manger à notre faim.

Quels changements ont eu lieu dans la société ?

Les gens d’aujourd’hui sont mieux éduqués. Ils lisent et écrivent. Les enfants ont changé aussi, à mon époque ils ne connaissaient pas autant de choses. À l’époque, la vie était difficile. Les femmes ont aussi changé. Il existe des organisations de femmes. Elles sont beaucoup plus audacieuses maintenant. Même si nous sommes encore peu nombreuses, nous allons dans les syndicats, nous écoutons et comprenons ce qui se passe.

Quel espoir avez-vous pour votre quartier et votre ville ?

Les habitants de mon quartier devraient nous rejoindre. Si nous sommes solidaires, nous irons de l’avant. Ce que nous avons appris avec notre syndicat de retraitées, tout le monde peut l’apprendre. Nous ne resterons pas longtemps sur terre, nous sommes vieux. Nous devons continuer à sensibiliser les travailleuses. Nous devons avoir un seul objectif, celui de changer la société.