Haïti : « C’est aux paysans de forger leur propre destin »

Baselais Philismon fait partie de la centaine d’animateurs du Mouvement paysan Papaye (MPP) en charge de suivre la vie des groupements, ces collectifs paysans qui façonnent la vie du mouvement. Il est partie prenante de notre projet « Renfo lavi paysan » (renforcement de la vie paysanne en créole) qui fait le lien entre justice sociale et justice environnementale.

Comment intervenez-vous dans l’action menée par le MPP et Frères des Hommes ?

J’accompagne les groupements pour qu’ils se saisissent des activités du projet et les mettent en musique de la meilleure des façons. C’est un projet qui vient renforcer les groupements dans leur façon de s’organiser et dans leurs activités agricoles habituelles. Par exemple un groupement « spécialisé » dans l’élevage, le projet va le renforcer dans l’élevage et ainsi de suite.

Comment ce projet veut il parvenir à un modèle d’autosuffisance alimentaire ?

Nous sensibilisons les paysans à la consommation des produits locaux, parce que nos marchés sont envahis par des produits importés. Il faut qu’ils consomment leur propre production, ce que nous appelons au MPP l’agriculture paysanne. Cette sensibilisation a lieu dans des assemblées locales qui réunissent plusieurs dizaines de paysans.

Pourquoi est-il important de se regrouper en collectif ?

C’est capital, quand on est seul on s’éparpille. Se regrouper veut dire pouvoir se former ensemble, donc mieux comprendre la société et agir pour le changement social.

Pourquoi vous mobiliser pour protéger l’environnement ?

Quand on vit dans un environnement abîmé, quand les arbres qui nous donnent de l’oxygène sont abattus, la pollution devient plus importante, elle attaque les gens et les animaux. Il faut sensibiliser les citoyens, ils doivent prendre conscience de cette situation et agir pour que l’environnement soit préservé. Cela implique aussi d’avoir des dirigeants responsables, qui vont mettre à disposition des habitants des services de base pour qu’ils restent dans la communauté et se mobilisent ensemble pour la protection de l’environnement. La formation des paysans est très importante pour qu’ils comprennent par exemple l’importance de gérer ses déchets ou les conséquences du plastique dans l’environnement. L’air, l’eau, les poissons que nous consommons peuvent être touchés, la pollution peut causer la mort. Nous faisons partie de l’environnement, tout ce qui est vivant fait partie de l’environnement.

Est-ce que vous avez le sentiment d’être allié avec le MPP ?

Je ne dirai pas que je suis allié du MPP, mais plutôt uni avec MPP. Le mouvement défend les paysans, je suis un paysan, ça me donne le sentiment d’être en union avec lui, avec ses principes, avec sa philosophie.

Quel est l’obstacle principal au développement des paysans ? Comment peuvent-ils changer leur situation ?

L’un des obstacles majeurs au développement des paysans c’est leur division. Même si le MPP accompagne de nombreux groupements beaucoup de paysans n’en sont pas encore membres. Quand ils ne sont pas membres d’un groupement, ils ne sont pas acteurs, ils peuvent être manipulables, comme quand par exemple des hommes politiques les corrompent pour mille gourdes. C’est par la sensibilisation, par la formation qu’ils intègreront des groupements, qu’ils deviendront acteurs, qu’ils deviendront conscients de leur situation. Personne n’est né dans la pauvreté. Certaines églises ont un discours qui consiste à dire que plus on est pauvre dans sa vie plus on sera riche au paradis. C’est aux associations à montrer aux paysans que rien n’est écrit, que c’est à eux de forger leur propre destin.

Votre espoir pour les paysans du Haut plateau central ?

Même si beaucoup quittent les campagnes, mon espoir c’est de les faire rester.

Pour Haïti ?

Ils sont nombreux à dire qu’il n’y a plus rien à faire, mais je pense le contraire. Tout ce qu’a fait l’Homme, il peut le défaire. C’est l’Homme qui a mis le pays dans cette situation. Il nous faut quelqu’un de conscient, capable de prendre en main le destin du pays en faveur de ceux en situation de vulnérabilité. C’est aux organisations de ce pays à se mettre ensemble et construire un vrai mouvement social pour pousser vers ce changement.