Protéger la terre nourricière en Haïti

Philami Gilles et Milius Previlor, sont tous les deux paysans dans le centre d’Haïti. Membres du Mouvement paysan Papaye (avec lequel Frères des Hommes conduit un projet de quatre ans), ils témoignent de l’importance de protéger l’environnement pour assurer leur avenir.

Pourquoi s’engager pour l’environnement ?

Philami Gilles : Si on laisse faire, il va petit à petit disparaitre. Mais moi seul je ne peux pas faire grand-chose, il faut mobiliser sa famille, son entourage, ses voisins, il faut montrer quoi faire pour que l’environnement soit défendu. Quand on coupe les arbres, quand certains propriétaires mettent le feu aux forêts pour récupérer illégalement de nouvelles terres, on devient les ennemis de l’environnement. Lui ne peut pas parler, s’exprimer, c’est à nous de le préserver.

Milius Previlor : Nous n’avons pas une bonne attitude vis-à-vis de notre environnement, c’est ça qui le détruit. Ce qui me donne du courage c’est qu’on peut changer tous ensemble d’attitude. Mais le changement de comportement n’est pas facile, les gens pensent que les choses iront mieux sans rien faire. On peut leur montrer que la protection de l’environnement peut sauver Haïti qui est très vulnérable face aux catastrophes naturelles.


Philami Gilles

Que signifie pour vous intégrer un groupement paysan ?
Milius Previlor : Seul je ne peux rien faire pour la nature mais quand on se réunit avec mon groupement, on partage des idées, nous faisons des choses assez fortes.

Philami Gilles : La recherche d’une vie meilleure. Maintenant nous sommes une dizaine dans le groupement, quand on travaille ensemble on le fait plus facilement et plus rapidement. J’ai aussi intégré un collectif pour mettre nos biens en commun, pour que cela profite à tous les membres. Nous gérons ces biens ensemble, il y a une coordination avec un président, un secrétaire, un trésorier.

Quelle est la situation des paysans en Haïti ?

Philami Gilles : Elle est très compliquée, notre vie est difficile. Il arrive que la période de soudure soit trop longue et que notre production de l’année précédente soit insuffisante pour notre propre consommation. Nous devons alors acheter de quoi manger au marché, dont nous sommes dépendants. La situation est de plus en plus critique et nos dirigeants regardent ailleurs. De nombreuses personnes quittent notre région du Haut plateau central, notamment les jeunes, pour aller en République dominicaine. Même ceux qui ont fait des études, parfois longues, ne trouvent pas de travail en Haïti. Je parle parfois à ces jeunes, ils me disent de ne pas leur donner de leçon sur le fait de rester en Haïti et de travailler la terre. Pourtant les pays dans lesquels ils émigrent comme les Etats-Unis ou le Brésil ont tiré et tirent leur richesse de la terre.

Milius Previlor : Je dirais que la situation a empiré, quand j’étais enfant on pouvait par exemple récolter beaucoup plus de maïs que maintenant. De manière générale, Haïti ne se développe pas car l’intérêt personnel prime sur tout le reste, il n’y a pas de vrai lien entre les gens. L’Etat ne fait rien, personne ne veut se mobiliser pour l’avancement du pays, qui est au bord de la catastrophe. Mon espoir c’est qu’Haïti redevienne verte. Ça ne sera pas facile mais ça ne sera possible que si nous nous organisons en collectifs, nous et les générations futures.


Milius Previlor