République démocratique du Congo/Le chemin du collectif

S’organiser en collectif est une des conditions de l’émancipation des populations vulnérables et donc au centre de nos actions. C’est dans ce cadre qu’elles peuvent prendre conscience de leur situation, briser leur isolement et sortir des rapports de domination qui les enferment. Thomas (Brigatti) est volontaire pour Frères des Hommes en République démocratique du Congo auprès de l’APEF et témoin privilégié de l’action en collectif.

Est-ce que tu peux nous donner un exemple d’une action en collectif qui a permis que les femmes accompagnées par notre projet prennent conscience de leur situation sociale ?

Au niveau de l’APEF, je peux parler de ce qu’on appelle les formations émancipatrices, sur le genre, et sur le droit des femmes. L’organisation va sensibiliser les participantes, femmes ou jeunes filles, en leur faisant prendre conscience du fait que les inégalités ne sont pas biologiques mais sociales. Pour la mise en pratique de cette sensibilisation, ce sont d’autres efforts. On évolue dans un contexte assez compliqué, patriarcal. Il y a une forte domination masculine, le lien avec la religion n’est pas non plus toujours facile. Durant ces formations, on travaille donc sur le genre et indirectement sur le droit des femmes. Il faut que la personne puisse prendre conscience de la situation, car beaucoup de gens ne se rendent pas compte que la situation est anormale. C’est presque quelque chose de naturel, de socialement construit. Pour changer les choses, il faut que les femmes aient d’abord conscience de la nécessité de changer les choses.

Comment ces femmes ont-elles pu, ensemble, répondre à une certaine forme d’isolement ?

L’APEF encourage les femmes, une fois qu’elles sont formées à se mettre en collectif. Il y a peu de temps, elles étaient formées mais on les accompagnait de manière moins forte. Donc maintenant, pendant la formation, elles vont se réunir et discuter des avantages qu’il y aurait à se regrouper en collectif. C’est ce qu’elles font après la formation en intégrant ce qu’on appelle des Unités de Production Collective, qui de fait vont créer du lien entre elles. Mais ce lien ne se situe pas qu’au niveau des UPC, qui sont de « petits » collectifs (entre 4 et 5 personnes), mais aussi au niveau de toutes les femmes qui ont suivi la formation, chez lesquelles on retrouve une certaine proximité.


Thomas Brigatti et Nunu Salufa, directrice de l’APEF.

A quelle action collective penses-tu qui a eu pour objectif et/ou pour résultat le refus de la domination sociale ?

Dans ces collectifs comme les Unités de Production Collective, les femmes elles-mêmes vont mettre en place la gouvernance, elles vont réfléchir à qui va occuper le poste de présidente, de trésorière, de secrétaire, du règlement intérieur etc. Durant toute cette phase, de mise en place des règles du collectif, cette question de la non reproduction des rapports de domination va être indirectement prise en compte. Un exemple : lors de la cérémonie de remise des diplômes aux participantes à la formation, l’APEF s’est demandé s’il fallait faire venir les collectifs (les Unités de Production Collective) pendant cette rencontre. Pour des questions logistiques, tout le monde (dans ces collectifs) n’a pas pu être invité. Du coup, est ce que la présidente va venir ou quelqu’un d’autre ? En fait, les femmes ont décidé entre elles de qui allait venir représenter le collectif à cette cérémonie. Présidente ou seulement membre du collectif, la décision s’est prise en groupe.