[Portrait du mois] Claire, responsable du Pôle « Form’Action »

Claire est arrivée à Frères des Hommes en mars 2022, aujourd’hui responsable du pôle « Form’Action ». Elle travaille essentiellement avec le Collectif Former pour Transformer pour faciliter les collaborations entre ses différents membres et appuyer sa co-présidence. Elle accompagne également notre projet d’empowerment des femmes en Inde, afin de promouvoir leurs droits au travail et dans la sphère privée. Ce projet vise à soutenir les droits des travailleurs et travailleuses de l’économie informelle grâce à la collaboration entre Fedina et Frères des Hommes, en mettant particulièrement l’accent sur l’accompagnement des collectifs de femmes, par le biais de formations émancipatrices avec des petits groupes de femmes. Déjà partie en Inde en 2023 pour démarrer les premières sessions de formations de formateurs à Fedina, elle prépare actuellement sa prochaine mission. Après deux ans d’accompagnement, nous lui avons donné le micro sur cette expérience.

Concernant l’empowerment des femmes avec Fedina, quelles sont les évolutions que tu as constatées depuis ces deux dernières années ?

Le projet avec Fedina comporte un volet important sur la formation des femmes, à différents niveaux : en direction des femmes membres des syndicats de travailleuses, mais aussi en direction des femmes qui font partie des groupes de vigilance organisés dans les quartiers par les femmes pour les femmes. Car la violence envers les femmes est très présente. L’équipe de Fedina forme donc ces femmes pour développer leur prise de conscience et leur pouvoir d’action. C’est donc un enjeu important pour Fedina de former ses animateurs et animatrices terrain (ou « activistes terrain » comme ils les appellent). Notamment pour savoir animer des formations dans des conditions très informelles et atypiques, avec des méthodes qui doivent partir de l’expérience des participantes, même quand il s’agit de choses complexes et sensibles, comme l’expérience de la violence.
Le projet a beaucoup porté sur la formation et l’accompagnement de l’équipe de Fedina à ces techniques de formations pour l’émancipation des femmes. La première session de formation de formateur.ice a eu lieu en mars 2023. Elle a été co-animée par deux coordinatrices de Fedina et moi-même. Une nouvelle session a eu lieu en mars 2024, co-animée par des formatrices de Fedina qui étaient présentes lors de la première session. Ensuite, un processus d’accompagnement a été mis en marche, avec la technique du co-développement, pour que les formateur.ices de Fedina puissent se soutenir mutuellement afin de trouver des solutions pour favoriser l’autonomie de l’équipe. Et enfin, le troisième processus est de capitaliser sur cette expérience, afin de formaliser un module de formation, un livret du formateur.ice, qui reprend l’ensemble des séquences pédagogiques et des ressources.

Lors de ta première mission en Inde, qu’est-ce qui t’a frappé lors des ateliers ?


©Préparation des premiers ateliers, Frères des Hommes

Fedina a un ancrage très militant avec une habitude de travail du terrain. Leur conception de la formation est basée sur la rencontre. Et a contrario, leurs représentations des formations peuvent parfois être très traditionnelles et descendantes, ce qui était justement à déconstruire.
Ce qui m’a frappée aussi, c’était à la fois qu’ils avaient une grande aisance dans l’animation des sessions et sur comment créer du collectif. Ils font par exemple, facilement des cercles et des chants. Lors des ateliers, 4 langues étaient utilisées car chaque Etat à sa propre langue, voire sa propre culture. J’ai observé une très grande fluidité dans l’utilisation de plusieurs langues et leur traduction. J’avais un peu peur au début, mais ça fonctionnait finalement très bien et c’est très représentatif de la multiculturalité de l’Inde.
Concernant la formation de formateurs, nous avons travaillé sur la question de la posture, à la fois sur le rôle de formateur.ice quand nous abordons des sujets sensibles et sur la manière de faire pour que le groupe se sente en sécurité, sachant que nous sommes dans un contexte de multiculturalité. Nous avons travaillé sur la question des valeurs, des émotions, des réactions et sur la dynamique de groupe, notamment par des jeux de rôles. Par rapport aux objectifs pédagogiques, nous avons vu comment préparer une formation. Puis, nous avons abordé les outils à utiliser pour réaliser ses objectifs et comment s’adapter à un public.

Quelle est la suite du projet ?

Nous partons justement en mission en juin pour tirer les enseignements de ces deux dernières années.
Cela nous permettra de poser les bases pour penser ensemble le futur projet, sachant que l’équipe de Fedina est elle-même en pleine réflexion stratégique. En effet, ils subissent un contexte politique d’extrême-droite avec beaucoup de restrictions pour les ONG qui œuvrent pour les droits et l’empowerment. L’assistance et la charité restent des secteurs tolérés, mais les ONG qui luttent pour les droits sont mal perçues. Par ailleurs, de récentes restrictions concernant les financements étrangers ont posé beaucoup de difficultés à Fedina. C’est pourquoi aujourd’hui, notre partenaire préfère rester une association militante, à échelle locale. Il s’agira donc de réfléchir avec eux à la forme de nos prochains projets communs en prenant en compte leur contexte et le nôtre.


Merci à toutes nos équipes qui rendent ces actions possibles, ainsi qu’à la générosité du public et celle de la Fondation Raja qui nous soutiennent dans ce projet.