Le pédagogue et l’artisan

Comment coupler la connaissance pratique de l’artisan avec celle plus technique de l’ingénieur en pédagogie ? C’est l’autre particularité de ce projet : 200 artisans ont été formés en entrepreneuriat et gestion par un duo ingénieur pédagogique/maître artisan.

« C’est une démarche de sagesse, dit Bana Dieng, maître artisan de Thiès. On n’a pas fait les grandes écoles nous, eux ce sont des intellectuels. Moi j’ai beaucoup d’idées, dans la formation, sur le plan social. On a créé beaucoup de choses. Et si on nous met ensemble avec eux, on va défendre nos idées. Et après deux, trois rencontres, les “administratifs” ont commencé à nous comprendre. »

Pour Sow Ndeye Binta Ndiaye, membre de la chambre de commerce de la ville, le fait d’être en co-formation avec un artisan (en l’occurrence Bana Dieng) avait un avantage : « Il avait un langage d’artisan. Le message passait plus facilement. Le cadre était exceptionnel, il y avait 3 jours de formation avec 17 participants en entrepreunariat et en gestion. » Lat Deguene Faye, un des maîtres artisans qui co-animait une formation, se méfiait de ce qu’il appelle les « intellos » de la chambre de commerce. Au final, son binôme a très bien fonctionné car lui-même a traduit la formation « dans un langage plus “artisan” et de son côté le formateur en entrepreneuriat a compris qu’en étant artisan on peut ne pas être très instruit mais être très compétent ».
D’ailleurs le contenu même de cette formation a été créé collectivement, comme le souligne Ahmadou Fall, coordinateur du projet : « Nous avons élaboré les modules de formation d’abord avec les acteurs, les associations et les institutions publiques qui travaillent dans l’artisanat.  » Ceci jusque dans les thématiques centrales des formations. « Ce qui est ressorti des différentes consultations, dit Abby Diop, responsable de la formation au sein de la Kora-PRD, a été la gestion de la production, la planification des ressources et de l’approvisionnement, c’est cela qui intéresse le plus les artisans. »


Maître artisan cordonnier dans le marché de Grand Yoff, près de Dakar

À la fois artisan et pédagogue

Au-delà de ce duo novateur, le but est de faire des artisans de véritables pédagogues, prêts à former la jeunesse qu’ils accueillent. « Ce qu’il est important de souligner, montre Birame Ndiemé Ndao de l’organisation Pastef, c’est le travail sur la posture du maître artisan. Nous avons travaillé dessus, au sens où il se voit d’abord comme un éducateur, alors qu’il est aussi un formateur. » C’est aussi ce que dit Lat Deguene Faye : « Le maître artisan a une tâche d’éducateur et de formateur. »
Ahmadou Fall se fait l’écho de plusieurs témoignages de maîtres artisans à l’issue de la formation, dont un qui disait : « À la sortie de la formation, mon atelier s’est transformé en université. » « Ça montre, continue Ahmadou, cette dynamique qui anime le formateur. Il n’est plus seulement producteur, il a conscience qu’il a des apprentis à former et accompagner. »