Covid-19 : La situation chez nos partenaires (au 25 mai)

Inquiétude en Haïti et au Pérou, allègement des restrictions au Sénégal, en RDC et en Inde, déconfinement au Rwanda, quelle est fin mai la situation pour nos partenaires et les populations qu’ils accompagnent ?

Haïti :

Environ 60 cas positifs de Covid sont maintenant annoncés quotidiennement contre 30 la semaine dernière. L’épidémie a récemment touché la prison de Port au Prince, la plus importante du pays. Avec 663 cas, les autorités sanitaires s’attendent une vague importante de malades dans les prochains jours. La population manque de communication de la part de l’Etat, les personnes atteintes par le Covid sont vues comme des menaces et souvent prises à partie. Un centre de prise en charge a été incendié la semaine dernière dans la ville de Jacmel. L’Etat haïtien n’inspire aucune confiance, c’est le syndrome « Si Jovenel (Moïse, le président) le dit, c’est faux. » Aucune annonce du gouvernement n’est prise au sérieux, y compris sur l’existence même de la maladie. Les mesures de limitation dans les transports en commun ou des regroupements, l’obligation du port du masque, sont difficilement appliquées. Les gens n’ont pas d’autre choix que de sortir de chez eux pour vivre. Dans le Haut Plateau Central, le lancement de la campagne culturale est fortement retardé par l’absence de pluie. Les terres sont prêtes mais impossible de semer. Ce que les paysans consomment, ils doivent le puiser dans leurs réserves, qui s’amenuisent plus en plus. Le Mouvement paysan Papaye, notre partenaire, poursuit son travail de sensibilisation, la radio Voix Paysan joue un grand rôle. Des cellules de prévention ont été mises en place et coordonnées par les animateurs du MPP. 4 000 masques ont été produits et distribués aux paysans.

Inde :

L’Inde prolonge son confinement jusqu’à fin mai. Écoles, lieux de culte, centres commerciaux, cinémas et clubs de sport doivent rester fermés. L’interdiction des rassemblements religieux et des événements sportifs est également prolongée. Le couvre-feu entre 19h et 7h (sauf pour des services essentiels) reste en place. Les restaurants ne sont autorisés à servir que pour la vente à emporter. Les vols intérieurs vont eux reprendre progressivement à partir du 25 mai.
Des aménagements sont toutefois prévus selon les Etats en fonction de l’évolution du virus. A Bangalore par exemple, le transport ferroviaire est autorisé dans la limite de l’Etat du Karnataka. Cette prolongation aménagée du confinement intervient alors que l’épidémie a gagné du terrain. 35 000 cas étaient par exemple répertoriés le 30 avril. Depuis, ce chiffre a presque été multiplié par trois en moins de trois semaines. Les plus vulnérables des Indiens (Dalits, membres de la minorité musulmane, travailleurs migrants) payent le prix le plus lourd. A titre d’exemple, 90% de ces travailleurs n’ont pas été payés par leur employeur. 96 % d’entre eux, bloqués dans les grandes villes à partir du confinement, n’ont pas reçu d’aide du gouvernement. Depuis, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont pu rentrer dans leur village par trains spéciaux dans des conditions très pénibles. La distribution de nourriture promise par l’Etat n’est toujours pas mise en place, il est probable qu’elle ne le sera qu’à partir du mois d’août.
A la très forte précarisation pré-confinement de ces travailleurs est venue s’ajouter la décision de plusieurs Etats de suspendre ou de purement annuler des dispositions du droit du travail. Au Gujarat, la journée de travail passera de 8 à 12 heures. Au Madhya Pradesh, les entreprises de moins de 40 salariés ne seront plus tenues de respecter les normes de sécurité industrielle, les nouvelles usines seront exemptées des règles basiques d’accès aux toilettes ou de congés payés. La mobilisation s’organise et la centrale syndicale indienne a mis en garde contre un « retour des travailleurs à l’époque de la colonisation britannique ».

Sénégal :

Le Sénégal a entamé sa deuxième semaine de restrictions allégées (réouverture des lieux de culte, ouverture des marchés et des commerces 6 jours sur 7, allègement des restrictions pour les transports publics). Le pays compte 2 714 cas positifs (4ème pays le plus touché en Afrique de l’Ouest), en très grande majorité dans la ville de Dakar. Alors qu’est célébré la fête de l’Aïd el-Fitr ou Korité en fin de semaine, les déplacements entre les régions sont toujours interdits. C’est une difficulté pour les paysans de Méckhé car même si le marché hebdomadaire a rouvert, les négociants de Thiès ou de Dakar qui s’y rendaient habituellement ne peuvent pas le faire. L’Union des Groupements Paysans de Méckhé reste très concernée par l’absence de revenus des paysans et par leur impossibilité d’accès aux semences, peu de temps avant le début de la la campagne culturale.

RDC/Rwanda :

4 personnes ont officiellement été infectées à Bukavu jusqu’à présent. Le chiffre ne bouge pas mais il est fort possible que ce soit bien plus. Beaucoup de personnes ne se présentent pas au test de dépistage. On ne sait donc pas qui est vraiment malade. Au total plus de 2 000 cas ont été répertoriés au niveau national dont près de 1 800 dans la capitale Kinshasa. Même avec un nombre encore bas de cas, comparé à d’autres pays en Afrique, la RDC se heurte déjà au faible équipement sanitaire du pays, au manque d’infrastructures. Il existe aussi le fait que la population considère le Covid comme une maladie venant de l’étranger, qui n’existe pas vraiment. Le gouvernement multiplie les communications appelant au port du masque ou au lavage des mains mais faute d’une politique publique adéquate, il est très difficile de se procurer des masques et l’accès à l’eau est loin d’être garanti. L’insécurité reste présente, il n’est pas rare que des groupes armés viennent perturber un marché en pleine journée. Le Covid n’a pas non plus mis fin à la corruption, récemment l’ancien directeur de cabinet du président congolais a été poursuivi pour le détournement de 46 millions d’euros. Concernant notre partenaire, l’ Association pour la promotion de l’entreprenariat féminin, toute son équipe travaille en ce moment sur la sensibilisation autour des mesures de prévention du virus. Ses 12 animateurs sont auprès de la population pour cela.
Au Rwanda, le gouvernement a annoncé un nouvel allègement des restrictions. Le début du couvre-feu a été repoussé de 20h à 21h, jusqu’à 5h du matin. Les mariages peuvent reprendre mais ne doivent pas dépasser 15 personnes. Les mototaxis et les déplacements entre provinces pourront normalement reprendre le 1er juin. En revanche, les rassemblements restent pour le moment interdits, les écoles, bars, restaurants et lieux de culte fermés. Le Rwanda a recensé 297 cas (aucun mort) mais moins de 100 sont encore actifs.

Pérou :

Avec 100 000 cas, le Pérou est le second pays le plus touché d’Amérique latine et semble connaitre les mêmes conditions que l’Italie ou l’Espagne au plus fort de la crise. Même si le pays vient de connaitre sa 9ème semaine de confinement, les contaminations et les décès ont été multipliés par trois depuis le 30 avril. Il semble que les marchés alimentaires aient été un très fort vecteur de propagation du virus. Des communautés indiennes en Amazonie commencent elles aussi à être touchées. Lima concentre néanmoins la grande majorité des cas et particulièrement le district de San Juan de Lurigancho. Grâce à sa campagne de dons, notre partenaire Cenca a pu venir en soutien à 750 familles, ils cherchent maintenant à pouvoir en atteindre 600 autres. Dans le quartier de Mariategui, les habitantes ont spontanément mis en place des « ollas comunes » (marmites/casseroles communes), chacun apporte un aliment et tout est mis en commun et distribué parmi les habitants.