Au cœur des campagnes rwandaises

Pendant deux mois des étudiants agronomes ont parcouru le sud-ouest du Rwanda pour faire le bilan d’une partie du projet de Frères des Hommes et de ses partenaires rwandais.

Le Rwanda est le pays le plus densément peuplé d’Afrique. Alors que 81,7% de la population rwandaise vit dans les campagnes, son enclavement au sein de la région des Grands Lacs et son relief très accidenté rendent l’accès à la terre difficile. Les paysans rwandais n’ont que de petites parcelles de terre à cultiver (0,32 hectares en moyenne). Même si le pays se développe, la pauvreté reste massive, les inégalités se creusent : selon les Nations unies, 63,2% de la population vit avec moins de 1€ par jour, surtout parmi les paysans. Sans appui, ils n’ont pas d‘opportunité pour développer des activités leur permettant de sortir de leur situation de survie. Facteur aggravant, l’économie rurale est durement touchée par la concurrence des produits d’importation à bas prix. Venir en soutien à l’agriculture familiale, c’est donc le sens du projet mené par Frères des Hommes et ses partenaires rwandais, Adenya et Duhamic-Adri. Près de 1 000 familles paysannes ont ainsi été formées à l’élevage et/ou au maraîchage avant de recevoir un lot d’animaux et/ou de semences. C’est ce que les étudiants de l’ISTOM (Ecole Supérieure d’Agro-Développement International), et futurs agronomes, ont évalué.

Une population jeune et rurale dans des régions enclavées

La région de Muganza est une des régions concernées par le projet, montagneuse, abrupte, elle est est peu accessible. A l’image du pays entier, cette région est caractérisée par une population jeune et rurale. Plus de 60% de la population a moins de 25 ans. La culture de thé est la principale culture du secteur mais est détenue par les familles les plus aisées. Le génocide de 1994 a eu comme conséquence une baisse drastique du nombre de d’animaux d’élevage. Depuis ces vingt dernières années, la reprise de la croissance des troupeaux existants et le nombre d’animaux distribués par les ONG et les projets de développement compensent encore difficilement cette perte et restent insuffisants par rapport aux besoins de la population locale. C’est la situation de Gabriel Shunbusho, un des paysans participant au projet : « ce que je cultive est insuffisant c’est pourquoi je travaille à l’extérieur ». Il cultive donc dans les champs des autres le haricot, les patates douces ou le manioc. Ce travail dure toute l’année même en saison sèche. Pendant celle-ci, il travaille dans les marais, « pour ne pas s’arrêter ». Les autres membres de la famille travaillent continuellement dans leur ferme. Autre région « évaluée » par les étudiants agronomes, celle de Nyagisozi, aussi très rurale, à deux heures de route de la ville de Butaré (77 000 habitants). Elle composée d’une multitude de collines aux fortes pentes et entièrement cultivées en « terrasses ». Depuis quelques années, les habitations sont rassemblées en villages sur les flancs de colline et liés entre eux par des pistes entretenues régulièrement par les travaux communautaires. De l’aurore au coucher du soleil, les pistes grouillent de vélos chargés faisant les allers-retours vers les marchés locaux et de personnes à pied se rendant dans leurs champs. La croissance galopante de la démographie (+ 71% en 8 ans) a engendré une pression sur la terre de plus en plus insoutenable et un nombre de bouches croissant à nourrir, instruire et soigner. Innocent Bizimana, autre participant au programme, essaye d’économiser de l’argent en période de soudure « quand je trouve du travail de temps en temps, on mange deux fois par jour. Sinon, on mange une fois ».

Améliorer le quotidien

Les formations à l’élevage et au maraîchage, couplées à la distribution d’animaux ont permis d’améliorer le quotidien, c’est que qu’a constaté un des encadrants du projet : « la contrainte principale du projet, comme tout projet de développement, se présente sur la durée. C’est à l’instant où les impacts d’un projet commencent à se faire sentir et que la population a le plus besoin d’un suivi régulier que le projet prend fin. Cependant le projet a été d’une grande aide pour de nombreuses familles dans le secteur, et pas seulement sur le plan de l’élevage. Il a également été un facteur dans la mobilisation de la population, sur la sensibilisation à tous les niveaux du foyer. Le petit bétail a permis d’améliorer directement le niveau de vie et de santé des familles ».

Peu à peu le savoir se diffuse

Une amélioration qui se heurte à la réalité. Emmanuelle Gaharirwa a été propriétaire d’un porc grâce au projet, après avoir été formée à l’élevage : « je l’ai eu et je l’ai élevé mais quand j’ai vu que mes enfants avaient faim alors je l’ai vendu […] c’est bien d’élever des porcs, mais quand vous avez des enfants affamés, vous ne vous demandez plus quoi faire, j’étais coincée ». Les résultats du projet prennent du temps à se concrétiser, le temps de former les paysans et de transmettre le savoir et l’expérience. Peu à peu ce savoir se diffuse, c’est que constate un des « chefs de groupement » : « en travaillant en groupe, les paysans gagnent en confiance et parlent facilement en public pour à leur tour donner des conseils, pour former les autres paysans. Leurs enfants n’ont plus les maladies dues à la mal nutrition. On voit que tout le secteur est en train de changer suite au projet car le groupement des éleveurs est maintenant connu dans les autres villages, qui sollicitent des interventions sur des thématiques diverses ».