"Pérou : l’ESS et l’urbanisme participatif pour faire renaître les bidonvilles de Lima" - Altermondes

Depuis 35 ans, l’association Cenca travaille dans les quartiers populaires de Lima, au Pérou. Sa réponse à la pression foncière et aux conséquences du dérèglement climatique : impliquer les citoyens dans l’aménagement de leur quartier, développer l’économie sociale et solidaire et ainsi former des leaders communautaires responsables. Rencontre avec Paul Makedonski, son directeur.

Aujourd’hui, quelle est situation socio-économique des quartiers populaires de Lima ?

Paul Makedonski : Un tiers de la population de Lima vit dans ses quartiers populaires. Ce sont des endroits très urbanisés, voire mal urbanisés. Je pense notamment aux quartiers surgit sur les montagnes autour de la ville pendant les années 90. Construites sur les fondations d’anciennes bâtisses, aujourd’hui les maisons des quartiers populaires sont dans une situation de risque due aux effets du changement climatique et notamment aux pluies qui tombent de plus en plus souvent et font déborder la rivière Rimac. Résultat : à Lima, il est de plus en plus difficile de se loger. Un véritable marché informel du sol et du foncier a vu le jour, ce qui oblige même les gens pauvres à payer des sommes importantes pour acheter un terrain qui se révèle être bien souvent mal placé. Et ceux qui ne pouvant pas y accéder deviennent en quelques sorte des « exclus ».

Dans ce contexte, il y a-t-il des marges d’actions pour la société civile ?

P. M. : Avec notre association Cenca, nous accompagnons les habitants dans la planification urbaine de leurs quartiers. Ceci, de manière participative. Nous commençons par rencontrer les gens sur le terrain et organiser des réunions avec eux pour savoir sur quels sujets ils souhaitent travailler. Des choses très basiques en fait. Ensuite, on va aborder des questions plus complexes comme par exemple, la planification d’un terrain afin que plusieurs petits quartiers bénéficient de services communs. Parallèlement, nous sensibilisons les personnes les plus impliquées aux droits humains et la responsabilité sociale et environnementale. Nous avons même créé une école dédiée à la formation de ces « leaders communautaires ». En 35 ans d’activité sur place, nous avons travaillé avec les grands parents, les parents et aujourd’hui leurs enfants.

Votre approche a-t-elle évolué depuis ?

P. M. : Au fil du temps, on s’est rendu compte que la question du logement est très liée à celle de la pauvreté. C’est pourquoi nous avons décidé de proposer des formations pour les jeunes aux métiers de l’économie sociale et solidaire, respectueux à la fois des gens et de l’environnement. Nous nous adressons aux femmes, qui sont la majorité dans ces quartiers, n’ont pas la possibilité d’accéder aux études supérieures et sont très régulièrement victimes de violences familiales. Aussi, elles sont nombreuses à vivre seules avec leur enfant en bas-âge. Actuellement nous sommes en train de développer le projet « Casa de la mujer » (maison de la femme) pour accueillir ces femmes et les former. Nous nous inscrivons dans l’économie sociale et solidaire car nous croyons que les droits sont en étroite relation avec les responsabilités. Donc si l’on veut que les gens soient acteurs de leur vie, ils doivent être sensibilisés aux principes de responsabilité sociale et environnementale.

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