Au Pérou : les lutteuses du quotidien

Katty Sanchez a fait le pari d’y arriver toute seule : éléver ses deux enfants, vivre de sa cuisine et chasser le machisme de chez elle. Elle a rejoint Cenca, partenaire de Frères des Hommes, qui agit dans le quartier de Mariategui, dans les hauteurs de Lima, qui lui ne voit jamais les retombées de la croissance péruvienne.

Avant de rencontrer Cenca, j’ai fait une grave dépression. Un jour, une cousine m’a dit « j’ai vu une affiche, ils parlent de cours gratuit  » et c’est comme ça qu’un lundi soir, on est allé à une réunion Habla Mujer animée par Cenca. Depuis ce jour-là et depuis deux ans maintenant, je n’ai pas cessé d’y aller. C’est un espace réservé aux femmes où nous pouvons échanger sur nos problèmes, mais aussi apprendre sur, par exemple, comment mieux communiquer avec nos enfants. En arrivant ce lundi-là, j’ai eu l’impression d’être en famille. D’être dans une communauté. J’ai commencé à comprendre que nous les femmes pouvons y arriver seules, que le machisme ne mène à rien, que nous pouvons nous en sortir sans l’aide d’un homme, et que nous sommes même capables de faire autant qu’un homme !

« Je veux continuer à apprendre, à me former »

Quand j’ai commencé à suivre la formation en pâtisserie que proposait Cenca, ça m’a donné l’énergie de continuer, de recommencer à vivre même. La pâtisserie m’a toujours plu, c’est pratiquement une vocation ! Après le cours de pâtisserie, je me suis impliquée partout où je pouvais : j’ai commencé la formation de chocolaterie, j’ai assisté aux cours de l’Esdel, l’école de « leader » de Cenca, j’ai aidé à l’organisation de cérémonies de clôture pour les différents ateliers…. Je voudrais pouvoir cuisiner et ensuite livrer mes gâteaux. C’est mon rêve. Je commence déjà à vendre quelques gâteaux pour des anniversaires ou des fêtes, je vends aussi des chocolats… Tout ça grâce au bouche-à-oreille. Mais en attendant d’avoir mon commerce, je veux continuer à apprendre, à me former.

« Agir pour changer au moins ma communauté, mon quartier »

Quand j’ai eu mon fils aîné, mon père m’avait dit « normalement une femme doit rester à la maison, ce sont les hommes qui travaillent. Mais maintenant que tu as fait une erreur et que tu es mère célibataire, tu ne vas pas étudier, tu dois travailler pour ton fils et pour tes parents quand ils seront vieux. » Il faut dire qu’ici, au Pérou, le machisme est présent partout dans la société. On entend souvent que les femmes ne peuvent pas étudier, faire des métiers « d’hommes », ou avoir du pouvoir… Tout ça me donne envie d’agir pour changer au moins ma communauté, mon quartier. C’est surtout grâce aux cours de l’Esdel (l’école des "leaders" de Cenca") que j’ai mieux compris quels sont mes droits et mes devoirs en tant que femme, et aussi comment me défendre face aux injustices.