« On n’est plus dans une politique de haut en bas. »

Mieux vivre en cultivant mieux, c’est essentiel. Pouvoir faire entendre sa voix auprès des institutions publiques qui gèrent les territoires est la suite nécessaire. C’est en substance une des réussites les plus importantes de ce projet : les paysans osent revendiquer leurs droits après s’être formés. Comme le dit Cancilde Uamposo du secteur de Nyagisozi : « Les formations en “expression publique” sont complémentaires avec les formations techniques.

Savoir cultiver c’est la base, mais la formation à l’expression publique permet de travailler en commun, de s’entraider. Seule, la formation à l’élevage n’est pas suffisante. »

Un sentiment de fierté

On retrouve ce sentiment de fierté chez la grande majorité des paysans
rencontrés. C’est le cas de Claude Nyaminani, le président du comité représentatif des paysans de Kigoma, près de Butaré : « On nous a montré
comment on peut prendre la parole en public. Il ne faut pas avoir peur de
parler quand c’est important pour les paysans, il faut avoir cette volonté.
Quand quelque chose ne marche pas, il faut que les autorités publiques soient informées. »Il existait en effet une certaine méfiance réciproque par rapport aux autorités locales, avec un côté « je ne suis pas assez bien pour leur parler », qui interdisait de demander de l’aide. Pour dépasser ces blocages, plusieurs exercices ont été proposés aux paysans lors des formations : s’exprimer en public sur un cas particulier, reconnaître le degré d’autorité de son interlocuteur ou comprendre si la réponse de celui-ci est sérieuse ou non (ne pas s’arrêter à la première réponse mais insister si celle-ci semble trop vague). « Cette formation a fait sortir l’angoisse chez les paysans, avant personne n’osait parler », dit Faustin Burindwi, un paysan installé aussi dans le secteur.

« Si un jour on doit me chasser de ma terre,je ne me tairai pas »

Les exemples ne manquent pas dans lesquels les paysans se sont
mobilisés, avec succès. « Alors que les autorités étaient en train de sélectionner les paysans pour faire partie d’un programme de développement public, dit Léonie Uwamariya, une des animatrices du projet,certains sont intervenus pour alerter les autorités sur la nécessité de sélectionner ceux qui en avaient le plus besoin. »La détermination des paysans est devenue plus affirmée : « Si un jour on doit me chasser de ma terre, je ne me tairai pas, je demanderai des explications et j’irai voir les autorités compétentes », lance Cancilde Uamposo.

Une des originalités du projet a été de prévoir des temps communs
d’information entre paysans et autorités locales, qui ont permis de « démystifier » ces autorités et de comprendre quelles étaient leurs attentes. Les autorités à leur tour ont appris à connaître les paysans et à comprendre leurs initiatives. « On n’est plus dans une politique de haut en bas », résume Cancilde