Les femmes remettent en cause les discriminations qu’elles subissent et commencent à se battre

Cyril Hamel, chargé de mission chez Frères des hommes, est de retour de sa mission en Inde où il a passé 10 jours auprès de notre partenaire Fedina. Des dizaines de rencontres, une bonne centaine d’heures de bus, et le constat que la situation peut s’améliorer, voici la 1ere partie de son interview.

Pourquoi Frères des Hommes t’a envoyé en Inde ?

C’était une mission d’une dizaine de jours. Je me suis rendu auprès de notre partenaire FEDINA dont les locaux principaux se trouvent à Bengalore, la capitale de l’Etat du Karnataka.

Quelles ont été les principales étapes de ta mission ?

Les premiers jours à Bangalore, je les ai passés dans le quartier de Roopena Agrahara, avec des femmes syndicalistes qui travaillent dans le textile et d’autres femmes faisant partie d’un groupe de soutien pour les victimes de violences domestiques.

Après je suis parti à Bidar, à une quinzaine d’heures de bus de Bangalore, où j’ai fait face à une situation un peu spéciale

Il y a des violences exercées contre les animateurs de Fedina par des groupes que payent les patrons d’usine. Du coup je n’ai pas pu me montrer avec eux sauf à empirer la situation. Nous nous sommes rencontrés dans une chambre d’hôtel. Là je me suis retrouvé seul avec mon micro, mon cahier, mon appareil photo, entouré de 50 femmes (qui appartiennent aux groupes suivis par les animateurs de Fedina) et autant de saris, ce qui a été une vraie surprise pour moi. C’était des femmes issues de divers secteurs de travail : porteuses de charge (hamali), des ouvrières agricoles et des travailleuses domestiques etc. C’était assez émouvant : toutes étaient venues et tenaient à partager leurs histoires.
Mon deuxième voyage c’était à Davangere pour rencontrer des communautés musulmanes ou des rouleuses de bidis (petites cigarettes artisanales) et le dernier c’était à Tirupati dans l’Etat d’Andhra Pradesh pour rencontrer les « travailleuses du sexe traditionnel » appelées devadasi.

Ce n’était pas ton premier séjour dans ce pays

Ma première fois en Inde c’était en 2013. J’étais stagiaire en communication et Frères des Hommes m’avait envoyé auprès de Fedina pour réaliser un appui en communication au sein de l’équipe et également récolter des informations, des témoignages. Pendant ce deuxième séjour j’ai remarqué que le contexte politique a changé et s’est empiré. On observe également un regain du conservatisme religieux de la part des hommes et une hausse de la ségrégation des minorités religieuses du pays, une montée du chômage, un dilution des lois de travail…bref, tout un cadre qui est en train d’évoluer négativement pour les populations que nous soutenons avec Fedina. Après il y a une constante, Fedina est un partenaire très accueillant et très ouvert pour me montrer ses activités.

Sur quels projets Frères des Hommes et Fedina collaborent actuellement ?

La trame principale des projets communs a été toujours la lutte contre les discriminations faites aux femmes, aussi bien en tant que travailleuses que femmes au sein du foyer. Un travail qui se traduit par un travail de sensibilisation sur leurs conditions, parce que la plupart des fois elles ne se rendent même pas compte qu’elles sont exploitées ou alors elles sont complètement résignées. Ensuite on les rassemble dans des groupes pour mener des formations sur certains thèmes : le droit de la femme, les lois existantes en Inde pour protéger les femmes, les lois du travail etc. Le dernier niveau c’est l’organisation de mobilisations collectives, de grèves, de marches etc.

Est ce que l’action de Fedina a un impact ?

J’ai constaté des schémas positifs qui sont assez répétitifs. Du moment qu’une personne va commencer à remettre en question sa situation, à ne plus se résigner, elle va se mobiliser auprès d’autres femmes et d’hommes. Elle va lutter en groupe pour améliorer ses conditions de travail. Dès qu’elle réussit à obtenir des avancées, cette amélioration va se refléter sur le cadre familial et son foyer. Elle va souvent questionner son mari en refusant de se laisser battre, par exemple, et l’augmentation de son salaire va aussi influencer l’éducation de ses enfants car elle va pouvoir leur consacrer cet argent en plus. D’ailleurs, ce que j’ai pu également apprécier c’était la « démultiplication ».

Une fois que les femmes améliorent légèrement leurs conditions de vie, elles commencent à voir d’autres femmes et elles reprennent leurs combats, ce que j’ai trouvé très émouvant.

Et même lorsque les personnes qui participent aux activités de Fedina n’arrivent pas à améliorer leurs conditions de vie, ils parviennent à une connaissance de leurs droits et ils trouvent de l’espoir ; et l’espoir est vraiment une chose importante parce qu’ils vont pouvoir remettre en cause les discriminations qu’ils subissent et ils vont commencer à se battre.