« Montrer la réalité des quartiers populaires »

Le rôle des femmes dans la création des cantines populaires, pour faire face à la crise sanitaire a été déterminant. Griselda Congachi est l’une d’entre elles. Habitante du quartier de Mariategui, elle s’est très tôt mobilisée.

Comment sont apparues les cantines populaires ?
Elles sont apparues pendant le 1er confinement ici à Lima en mars 2020. On pensait à l’époque que ça allait durer 15 jours mais jamais 3 ou 4 mois. Les 15 premiers jours sont passés sans difficultés, les 15 autres plus difficilement mais les gens résistaient. Après il a fallu se nourrir. Un voisin avait un frère qui avait une poule, il nous a donné des œufs, on a pu faire des pâtes. Ça a été notre première cantine populaire. On a pris des photos, des vidéos, on a mis ça sur Facebook, on les a envoyées à des voisins, des amis. On a reçu des dons en nourriture : du riz, des pâtes, du sucre. C’est comme ça que nous avons réussi. La cantine est maintenant autogérée. Pour chaque déjeuner que nous distribuons, on demande un peu d’argent, c’est plus un prix symbolique. Ça nous permet tout juste de couvrir nos dépenses. C’est le seul moyen pour venir en aide durablement à la population. Ça fonctionne très bien, on cuisine 5 déjeuners dans la semaine. Cela fait un an que nous avons mis ça en place. Les cuisinières tournent chaque jour. La veille elles préparent les aliments et tôt le matin elles commencent à cuisiner. On demande aux gens qui viennent de nous dire combien de portions à peu près ils auront besoin. On fait très attention à ne rien gâcher.

Que ce serait-il passé sans ces cantines ?
Nous n’aurions pas pu subvenir aux besoins de tout le monde, nous aurions pu dépanner certaines personnes en grande nécessité mais pas plus. Je parle de personnes âgées ou de personnes vivant seules. Il y avait une solidarité qui était en train de s’organiser entre voisines pour venir en aide aux autres. Les cantines ont été créées à partir de cette solidarité.

Pourquoi est-ce important de travailler en collectif ?
Ça aide à développer un sentiment de solidarité. Chaque réalité est différente, certaines familles ont l’air de bien aller mais c’est parfois l’inverse. Les cantines permettent d’écouter l’autre. La personne avec laquelle tu cuisines, tu vas la connaitre mieux, tu vas davantage connaitre ses problèmes. C’est important de travailler avec différentes personnes, femmes ou hommes.

Est-ce que vous pensez que le gouvernement a joué et joue son rôle ?
Rares sont les gens de la mairie qui sont venus ou qui viennent nous aider, et encore il faut insister et insister davantage pour obtenir quelque chose.

Est-ce que les cantines populaires peuvent servir d’exemple au reste du pays ?
Oui, c’est un exemple, mais surtout cela permet de montrer la réalité des quartiers dans lesquels nous vivons. Avec les cantines populaires, on a réussi à capter l’attention des autorités.

Que représente vivre et travailler dans Mariategui ?
Les choses se passent bien, globalement. Le plus dur est d’habiter comme moi dans les parties les plus hautes de Mariategui, qui sont très difficilement accessibles par la route. Pour la moindre chose, il faut monter tout là-haut, par des escaliers, c’est très abrupt et c’est très pénible. Mais nous faisons ce qu’il faut, en se réunissant entre voisins, en organisant des manifestations, pour améliorer notre quartier.

Que penses-tu de la relation entre hommes et femmes dans votre quartier ?
En ce qui me concerne, j’ai toujours vu du respect entre hommes et femmes dans mon quartier. Il y a une certaine forme de confiance.

Pour finir cet entretien, que serait une Lima idéale ?
Une Lima idéale ? Ça serait une Lima verte et respectueuse de ses jeunes, de ses habitants.