Covid-19 : La situation chez nos partenaires (au 20 avril)

Nos partenaires poursuivent, comme Frères des Hommes, leurs actions du mieux possible face à la crise sanitaire. Ils s’adaptent à des contextes sociaux et économiques qui deviennent de plus en plus compliqués. Quelle est leur situation et celle des populations qu’ils accompagnent, dans le Haut Plateau Central en Haïti, à Bangalore en Inde, à Butaré dans le sud du Rwanda, dans la région du Kayor au Sénégal, à Bukavu en RDC et dans la banlieue de Lima au Pérou ?

Haïti :

Jusqu’à présent, la pandémie progresse lentement. 41 cas de Covid ont été identifiés (contre 33 la semaine dernière) et aucun autre décès n’a été enregistré. Le centre du pays où est basé notre partenaire le Mouvement paysan papaye (MPP) semble épargné, la majorité des cas se concentrant dans le Nord-Est. On constate une prise de responsabilité de plus en plus importante de la société civile pour faire face à la faiblesse de l’Etat haïtien dans la gestion ou la prévention de la crise. Les initiatives se multiplient (comme celle du MPP de mettre en place des campagnes de sensibilisation aux gestes-barrières). La population est très sceptique sur les capacités de l’Etat à faire face. Les mesures prises (couvre-feu de 20h à 5h du matin, interdiction de toute réunion de plus de 10 personnes) sont difficilement respectées. Des rassemblements festifs ont par exemple eu lieu dans la campagne haïtienne la semaine dernière. Les animateurs du MPP, qui habituellement coordonnent les collectifs de paysans, peuvent encore se rendre auprès d’eux. Ils ont commencé à identifier ceux qui seront accompagnés pour mettre en place dans les semaines qui viennent des activités économiques (sur le modèle des parcelles collectives qui rassemblent cultures maraichères, céréalières et du petit élevage) et qui bénéficieront d’un appui en matériel. Les réunions dans les groupements continuent aussi mais ne doivent pas compter plus de 10 personnes.

Inde :

L’épidémie a progressé plus lentement en Inde qu’en Europe, mais elle s’accélère depuis quelques jours, avec plus de 10 000 cas et 350 morts. Dans l’Etat du Karnataka, on a constaté une soudaine augmentation de cas positifs cette semaine. 313 cas y ont été identifiés pour 13 morts. Le Premier ministre indien a annoncé la prolongation du confinement au moins jusqu’au 3 mai. Cette annonce a provoqué une fois encore des scènes chaotiques dans les gares du pays. Depuis le début de la crise, plusieurs millions de travailleurs migrants intérieurs sont bloqués dans les grandes villes et cherchent par tous les moyens à rentrer dans leur village. Le gouvernement a toutefois autorisé certains secteurs agricoles (plantations, pêche...), la construction et certaines industries à reprendre le travail à partir de Lundi sous plusieurs conditions.

Sénégal :

Le taux de contamination et de décès reste faible comparé aux autres pays africains. 314 cas positifs ont été identifiés depuis le 2 mars pour deux décès. Le couvre-feu est toujours en vigueur et les transports restent limités. Le pays a décidé de prolonger la fermeture des frontières aériennes jusqu’au 31 mai. Dans les campagnes, les mesures gouvernementales se font durement ressentir. La fermeture des marchés a privé les familles paysannes de tout revenu alors que certaines zones du Cayor (où intervient l’UGPM, notre partenaire) rentrent dans la phase de soudure (période entre deux récoltes). Mais la récolte de l’année dernière, trop moyenne, ne permet pas d’assurer ce qu’on appelle les « vivres de soudure ». Habituellement, les paysans trouvent des revenus additionnels pour couvrir ce type de période, ce qui est maintenant impossible en raison du Covid. L’UGPM vient de lancer un « cri du cœur face à la crise du coronavirus dans la zone de Méckhé » à l’adresse de ses partenaires pour appuyer les paysans face à cette situation de pénurie.

RDC :

Depuis lundi, le port du masque est obligatoire à Bukavu à l’Est du pays. Dans la région, 3 cas ont été confirmés. Kinshasa enregistre la très grande majorité des contaminations (242 cas confirmés sur les 254 dans le pays). Le ministère de la santé craint une accélération de l’épidémie dans le pays début mai. Les bureaux de notre partenaire (l’APEF) sont encore ouverts. Un lien perdure avec les femmes qui devaient s’organiser en collectif à la fin de leur formation en coupe-couture ou en teinturerie, achevée il y a peu. Tous les lundis des temps de rencontre sont organisés entre elles et l’APEF. Il est aussi prévu que celles qui avaient été formées en coupe-couture participent à la confection de masques.

Rwanda :

Toujours aucun cas avéré dans la région de Butaré, au sud du pays, où a lieu notre projet avec DUHAMIC-ADRI et ADENYA. Le pays compte à ce jour 136 cas, aucun décès. La mesure nationale de confinement a été prolongée jusqu’au 19 avril. Les déplacements en zones rurales ne sont pas limités comme dans les villes. Les paysans continuent d’avoir accès à leur terre et les marchés restent ouverts 4h par jour. Les animateurs de proximité (qui accompagnent les groupements paysans) ont repris le travail. Ils vont sur le terrain, mais uniquement quand leur présence est indispensable (remise d’arbres fruitiers, animaux malades). Leur suivi se fait sinon beaucoup par téléphone. Des réunions sont encore organisées dans les collectifs mais dans des conditions de sécurité sanitaire strictes.

Pérou :

Dans le quartier de Mariategui (banlieue populaire de Lima) CENCA, notre partenaire, a répertorié 465 familles qui ne bénéficient pas de l’aide d’urgence de l’Etat. Il est possible que ce soit le double. Des cas de familles qui ne mangent pas ou très peu ont été rapportés. La solidarité entre voisins existe mais de manière limitée. En dehors des paniers-repas que CENCA distribue, une aide de la municipalité doit être prochainement mise en place. L’Etat a donné une enveloppe à chaque district de la capitale pour de la distribution alimentaire. San Juan de Lurigancho (dont fait partie le quartier de Mariategui) étant le plus peuplé de Lima, il va bénéficier d’une enveloppe de 2 millions de soles (520 000€). Il est aussi celui le plus touché par la crise sanitaire. Les habitants sont persuadés que cette aide ne leur parviendra jamais. CENCA a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de transparence. Il y a un gros passif de corruption dans ce district.
Le prolongement du confinement (jusqu’au 26 avril) commence à inquiéter la population car les aides de l’Etat ne seront pas suffisantes à terme. On voit depuis quelques jours des personnes qui quittent la capitale à pied pour retourner dans leur ville ou village natal dans les Andes, où ils pensent qu’ils auront plus de facilités à se nourrir et à vivre le confinement. 4 distributions de denrées alimentaires ont été opérées par CENCA (surtout du riz, thon, huile, pâtes, lentilles ou lait concentré).